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Avis n° 94

Concernant une copie des dossiers administratifs inventoriés accompagnant certains arrêtés royaux et ministériels

Transposition

Commission d’accès aux et de
 réutilisation des documents
         administratifs

Section publicité de l’administration




              19 août 2019




          AVIS n° 2019-94

CONCERNANT UNE COPIE DES DOSSIERS
   ADMINISTRATIFS INVENTORIÉS
 ACCOMPAGNANT CERTAINS ARRÊTÉS
     ROYAUX ET MINISTÉRIELS
             (CADA/2019/89)
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   1. Un aperçu

1.1. Par lettre du 11 juin 2019 référencé « SPF.FIN.1 » Maître Gérard
Leplat, curateur de la faillite des Forges de Clabecq a demandé, en cette
qualité, le droit de consulter et de prendre copie d’une série de documents
administratifs sur pied de la loi sur la transparence administrative du 11
avril 1994. Ce courrier est reçu par l’administration en date du 25 juin
2019. Il demande l’accès aux dossiers administratifs inventoriés
accompagnant
    a. l’arrêté royal du 17 août 1959 portant exécution de la loi du 17
        juillet 1959 instaurant et coordonnant des mesures en vue de
        favoriser l’expansion économique et la création d’industries
        nouvelles (M.B. 29 août 1959, p. 6207) ;
    b. les arrêtés ministériels du 17 octobre 1980, 4 août 1981 et 28 août
        1985 (non publiés) ;
    c. l’arrêté royal du 2 juillet 1981 pris en exécution de l’article 4 de la
        loi du 17 juillet 1959 instaurant et coordonnant des mesures en vue
        de favoriser l’expansion économique et la création d’industries
        nouvelles et de l’article 21, § 1er, de la loi du 30 décembre 1970 sur
        l’expansion économique (MB 4 août 1981, pp. 9640-9641) ;
    d. l’arrêté royal du 3 décembre 1981 pris en exécution de l’article 4 de
        la loi du 17 juillet 1959 instaurant et coordonnant des mesures en
        vue de favoriser l’expansion économique et la création d’industries
        nouvelles modifiant l’encours sur lequel s’imputent les garanties
        accordées en vertu de ces loi (M.B. 4 février 1982, p. 885-886).

1.2. N’ayant pas reçu de réponse, le demandeur introduit une « demande
de reconsidération » auprès le SPF Finances par lettre du 5 août 2019. Le
même jour il demande par courriel et lettre à la Commission d’accès aux
et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de
l’administration, ci-après la Commission, un avis.

2. La recevabilité de la demande d’avis

La Commission estime que la demande d’avis est recevable. L’article 8, § 2
de la loi du 11 avril 1994 ‘relatif à la publicité de l’administration’ (ci-
après : loi du 11 avril 1994) donne au demandeur la possibilité lorsqu’il
rencontre des difficultés pour obtenir la consultation ou la correction d'un
document administratif en vertu de la loi précitée, d’adresser à l'autorité
administrative fédérale concernée une demande de reconsidération. Au
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même moment, il doit demander à la Commission d'émettre un avis. La
demande de reconsidération est introduite le 5 août 2019 et la demande
d’avis le même jour. Les conditions de l’article 8, § 2 de la loi du 11 avril
1994 sont dès lors remplies.

3. Le bien-fondé de la demande d’avis

L’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 consacrent le
principe du droit d’accès à tous les documents administratifs. L’accès aux
documents administratifs ne peut être refusé que lorsque l’intérêt requis
pour l’accès à des documents à caractère personnel fait défaut et lorsqu’un
ou plusieurs motifs d’exception figurant à l’article 6 de la loi du 11 avril
1994 peuvent ou doivent être invoqués et qu’ils peuvent être motivés de
manière concrète et pertinente. Seuls les motifs d’exception imposés par la
loi peuvent être invoqués et doivent par ailleurs être interprétés de
manière restrictive (Cour d’Arbitrage, arrêt n° 17/97 du 25 mars 1997,
considérants B.2.1 et 2.2 et Cour d’Arbitrage, arrêt n° 150/2004 du 15
septembre 2004, considérant B.3.2).

La Commission souhaite tout d’abord souligner que le droit d’accès aux
documents administratifs est défini comme suit à l’article 4 de la loi du 11
avril 1994 : « Le droit de consulter un document administratif d'une
autorité administrative fédérale et de recevoir une copie du document
consiste en ce que chacun, selon les conditions prévues par la présente loi,
peut prendre connaissance sur place de tout document administratif,
obtenir des explications à son sujet et en recevoir communication sous
forme de copie. » Le droit d’accès ne comprend dès lors pas le droit de faire
des copies soi-même. Les copies sont faites et délivrées par l’autorité
administrative compétente.

Étant donné que la Commission constate que dans d’autres demandes
introduites par le même demandeur, le SPF Finances invoque le fait que la
loi du 11 avril 1994 n’est pas applicable car le demandeur souhaite obtenir
ces documents dans le cadre d’un litige introduit devant le juge, elle
souhaite souligner qu’elle n’approuve pas ce point de vue. Par ailleurs, la
Commission a déjà rejeté cet argument dans plusieurs avis, après une
analyse approfondie de la jurisprudence du Conseil d’État. La principale
raison est que le législateur n’a pas prévu un tel motif d’exception.
L’application d’un motif d’exception sans fondement légal est contraire à
l’article 32 de la Constitution. La Commission tient à souligner que la
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possibilité de demander, en vertu de l’article 877 du Code judiciaire, la
production de documents à un juge saisi du litige, a une finalité
fondamentalement différente de celle du droit d’accès accordé par l’article
32 de la Constitution et par la loi du 11 avril 1994. L’article 877 du Code
judiciaire permet, lors d’un litige, à une partie de demander la remise de
certains documents dont elle estime qu’ils pourraient jouer un rôle dans la
résolution du litige. Il revient au juge de déterminer si la remise des
documents demandés dans le cadre de la procédure introduite devant lui
contribue à la résolution de ce litige. Cependant, le juge n’est pas lié par
les motifs d’exception repris dans la loi du 11 avril 1994. En effet, cette loi
n’est en principe pas d’application au pouvoir judiciaire. Seules les
autorités administratives fédérales peuvent être soumises à la loi du 11
avril 1994 qui reprend une série de motifs d’exception pouvant ou devant
être invoqués lorsque ceux-ci peuvent être motivés de manière
suffisamment concrète. L’évaluation de la publicité de documents
administratifs sur la base de la loi du 11 avril 1994 n’implique aucunement
d’évaluer l’utilité de ces documents dans la résolution d’un éventuel litige
introduit devant un juge. Sur la base de la jurisprudence du Conseil d’État,
la Commission a également jugé que lorsque le demandeur introduit un
recours contre un refus de donner suite à une demande de reconsidération,
il ne peut s’adresser qu’au juge saisi du litige.

La Commission tient en outre à souligner que dans ses conclusions du 12
avril 2019 dans une procédure devant la Cour d’appel relative à des
mesures avant dire droit, le SPF Finances est d’accord avec ce point de
vue :

       En revanche, le Conseil d’État a effectivement décidé à différentes
      reprises – notamment dans l’arrêt Vuzdugan du 5 février 2009 cité par
      la Curatelle – de se déclarer incompétent pour statuer sur un recours
      en annulation d’une décision de refus d’accès à des documents et fondé
      sur la loi du 11 avril 1994, au motif que ces documents faisaient par
      ailleurs l’objet d’un différend devant les tribunaux de l’ordre judiciaire.
      Cette décision est critiquée par la doctrine et par les commissions
      d’accès aux documents. Cette critique consiste à relever que l’existence
      d’une procédure juridictionnelle ne constitue pas une exception à
      l’obligation de publicité passive de la loi du 11 avril 1994. Il s’en déduit
      que l’existence d’une procédure judiciaire n’est pas un motif valable
      pour s’opposer au recours devant le Conseil d’État prévu par l’article
      8 de la loi du 11 avril 1994.
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     Cette critique n’affecte cependant en rien l’argumentation du
     concluant. Celui-ci [le SPF Finances] n’invoque pas la jurisprudence du
     Conseil d’État pour prétendre que, compte tenu de la présente
     procédure judiciaire, la Curatelle ne pourrait pas diligenter une
     procédure devant le Conseil d’État. L’État soutient uniquement que la
     loi du 11 avril 1994 ne constitue pas un fondement juridique pertinent
     pour solliciter la production de documents administratifs dans le cadre
     de la présente procédure judiciaire, seul l’article 877 du Code judiciaire
     pouvant être invoqué.
     […]
     Il y a lieu de relever à titre surabondant que l’affirmation de la
     Curatelle selon laquelle l’article 877 du Code judiciaire limiterait les
     droits consacrés par l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril
     1994 est dénuée de fondement. Ces dispositions ont, comme expliqué
     ci-avant, des champs d’application différents et autonomes l’un par
     rapport à l’autre.
     L’affirmation de la Curatelle repose sur la prémisse inexacte que
     l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 permettraient de
     demander la production en justice de documents administratifs dans
     une plus large mesure que celle prévue par l’article 877 du Code
     judiciaire – quod non.
     Pour le surplus, le fait que la demande de production de documents
     soit obligatoirement fondée sur l’article 877 du Code judiciaire n’a
     évidemment pas pour effet de priver la Curatelle du droit de
     demander la consultation des documents qui, par hypothèse, ne
     seraient pas produits sur pied de l’article 877 du Code judiciaire. Ceci
     démontre à nouveau que l’article 877 du Code judiciaire ne restreint
     pas la portée de l’article 32 de la Constitution et de la loi du 11 avril
     1994. Le débat n’est pas là. » (pp. 17-18)

La Commission tient à souligner que le fait que les documents aient plus
de 30 ans ne signifie pas d’office que les motifs d’exception de la loi du 11
avril 1994 ne sont plus d’application, dans la mesure où les conditions pour
invoquer ces motifs d’exceptions sont remplies. La loi archive ne porte pas
préjudice à ce point. Elle stipule uniquement que les documents
administratifs et autres documents qui sont obligatoirement déposés aux
Archives générales du Royaume et dans les Archives de l’État dans les
Provinces, sont publics. Dans la mesure où aucun dépôt n’a été effectué,
il ne peut être avancé que les documents administratifs demandés sont
d’office publics en raison de leur âge. Pour autant que les documents
administratifs demandés ont été transmis aux Archives générales du
Royaume et aux Archives de l’État dans les Provinces, après un délai de
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trente ans, une réglementation particulière s’applique stipulant que leur
accès ne doit plus être géré par le service public fédéral compétent, mais
par les Archives générales du Royaume et les Archives de l’État dans les
Provinces. Dans ce cas, le SPF Finances doit rediriger le demandeur.

Si le SPF Finances est encore en possession des documents administratifs
demandés, c’est au SPF Finances que revient la responsabilité de donner
les raisons pour lesquelles il ne peut procéder à la publicité, de manière
concrète et après mise en balance des motifs d’exception prévus à l’article
6 §§ 1er et 3 de la loi du 11 avril 1994. En cas d’absence de justification, il
est tenu de procéder à la publicité des documents administratifs.

La Commission tient à rappeler au SPF Finances le principe de publicité
partielle selon lequel seule une partie des informations peut être soustraite
à la publicité, partie soumise à un motif d’exception, et que toutes les autres
informations doivent être rendues publiques.


Bruxelles, le 19 août 2019.




   F. SCHRAM                                                    K. LEUS
   secrétaire                                                  présidente

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