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Avis n° 107

Concernant une question concernant l’application de la loi du 11 avril 1994 et la loi du 5 mai 2019

Transposition

   Commission d’accès aux et de
    réutilisation des documents
            administratifs

  Section publicité de l’administration




              23 septembre 2019




            AVIS n° 2019-107

CONCERNANT UNE QUESTION CONCERNANT
L’APPLICATION DE LA LOI DU 11 AVRIL 1994
         ET LA LOI DU 5 MAI 2019
                (CADA/2019/94)
                                                                               2

   1. Aperçu

1.1. Par courriel du 8 août 2019 Monsieur Alexandre J. Cuvelier demande
un avis sur une question de principe qui soulève la loi du 5 mai 2019
‘portant des dispositions diverses en matière pénale et en matière de cultes’
au nom de l’Administrateur général de l’AGISI du SPF Finances.

« Les articles 3 et 4 de cette loi concernent l’article 29 et 29bis du Code
d’instruction criminelle, organisant le régime connu sous le nom de « una
via ». Ce régime impose aux agents du fisc de dénoncer au procureur du
Roi les faits révélant des indices de fraude grave dont ils prennent
connaissance dans l’exercice de leurs fonctions. S’ensuit alors une
concertation puis la décision du procureur de poursuivre les faits sur le
plan pénal ou non. Le nouvel article 29 § 3, alinéa 3, du Code d’instruction
criminelle prévoit que cette décision du procureur est communiquée par
écrit à l’administration fiscale.

Ce document fait donc partie intégrante du dossier fiscal du contribuable
poursuivi sur le plan fiscal et pénal. Le problème vient du fait que, si le
contribuable demande l’accès à son dossier fiscal et que nous produisons
ce document, il sera informé de l’existence d’une enquête pénale. Or, il se
peut qu’à ce moment, le juge d’instruction n’ait pas encore eu l’occasion
d’exécuter les mesures d’investigations ad hoc (par exemple une
perquisition). Le contribuable aura alors l’occasion d’interférer avec
l’enquête pénale, par exemple en faisant disparaître des éléments de
preuve.

En d’autres termes, produire la décision écrite du procureur du Roi
d’intenter des poursuites mettrait en péril la recherche ou la poursuite de
faits punissables (article 5, 6° de la loi du 11 avril 1994). Par ailleurs,
expliquer au contribuable que nous ne produisons pas l’ensemble du
dossier fiscal au motif de l’article 5, 6°, de la loi du 11 avril 1994 aboutirait
au même résultat puisque le contribuable pourrait déduire, sur base de la
simple mention de cet article, qu’il fait l’objet d’une enquête pénale.

Il convient également de souligner que la production d’un tel document
n’aura aucun intérêt sur le plan fiscal de sorte que sa non-production
n’entraverait nullement le libre exercice des droits de la défense du
contribuable.
                                                                               3

Notre question est donc la suivante : notre administration étant saisie
d’une demande d’accès d’un contribuable à son dossier fiscal, peut-elle
omettre de produire la décision du procureur du Roi d’intenter des
poursuites pénales visée à l’article 29 § 3, alinéa 3 du Code d’instruction
criminelle sans même mentionner qu’elle ne produit pas ce document ? »

2. La recevabilité de la demande d’avis

La Commission estime que la demande d’avis est recevable. L’article 8, §
3, de la loi du 11 avril 1994 ‘relative à la publicité de l’administration’ (ci-
après : loi du 11 avril 1994) donne la possibilité pour une autorité
administrative fédérale de consulter la Commission.

3. L’avis

3.1. Analyse de la disposition concernée

La demande d’avis concerne l’article 29 du Code d’instruction criminelle
tel que modifié par l’article 3 de la loi du 5 mai 2019 ‘portant des
dispositions diverses en matière pénale et en matière de cultes, et
modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie et le Code pénal
social’ (MB 24 mai 2019) qui entre en vigueur le 1er janvier 2020 (article
200 de la loi du 5 mai 2019). Le futur article 29 du CIC s’énonce comme
suit :

« § 1er. Toute autorité constituée, tout fonctionnaire ou officier public et,
pour le secteur des prestations familiales, toute institution coopérante au
sens de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer "la charte" de l'assuré social
qui, dans l'exercice de ses fonctions acquerra la connaissance d'un crime
ou d'un délit, sera tenu de donner avis sur-le-champ au procureur du Roi
près le tribunal dans le ressort duquel ce crime ou ce délit aura été commis
ou dans lequel l'inculpé pourrait être trouvé, et de transmettre à ce
magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont
relatifs.
  Les fonctionnaires qui, sur la base de la loi du 15 septembre 2013 relative
à la dénonciation d'une atteinte suspectée à l'intégrité dans une autorité
administrative fédérale par un membre de son personnel, ont recours au
système de dénonciation, sont dispensés de l'obligation visée à l'alinéa 1er.

  § 2. Les fonctionnaires de l'Administration générale de la Fiscalité, de
                                                                               4

l'Administration générale de la Perception et du Recouvrement, de
l'Administration générale de la Documentation patrimoniale, de
l'Administration générale de l'Inspection Spéciale des Impôts ou le
fonctionnaire compétent à cet effet en cas de fiscalité régionale ou locale
ne peuvent, sans autorisation du conseiller général dont ils dépendent ou
du fonctionnaire assimilé, porter à la connaissance du procureur du Roi les
faits pénalement punissables aux termes des lois fiscales et des arrêtés pris
pour leur exécution.

   § 3. Sans préjudice de l'application du paragraphe 2, le conseiller général
de l'Administration générale de la Fiscalité, de l'Administration générale
de la Perception et du Recouvrement, de l'Administration générale de la
Documentation patrimoniale et de l'Administration générale de
l'Inspection spéciale des Impôts ou le fonctionnaire qu'il désigne ou le
fonctionnaire compétent à cet effet en cas de fiscalité régionale ou locale
dénonce au procureur du Roi les faits dont l'examen fait apparaître des
indices sérieux de fraude fiscale grave, organisée ou non, qui constituent
des infractions pénales aux termes des lois fiscales et des arrêtés pris pour
leur exécution.
   Le procureur du Roi se concerte à cet égard avec les fonctionnaires visés
à l'alinéa 1er dans le mois de leur réception. Il peut inviter les services de
police compétents à participer à cette concertation.

  Sur la base de la concertation, le procureur du Roi décide pour quels faits
décrits dans le temps et dans l'espace il exercera l'action publique et en fait
part au conseiller général compétent ou au fonctionnaire compétent à cet
effet en cas de fiscalité régionale ou locale par écrit et au plus tard dans les
trois mois de la dénonciation initiale visée à l'alinéa 1er.

  § 4. Le Roi fixe les critères auxquels répondent les faits visés au
paragraphe 3, par un arrêté délibéré en Conseil des ministres.

  § 5. Deux fois par an, le procureur général qui est chargé de la criminalité
en matière économique, financière et fiscale au sein du collège des
procureurs généraux rencontre les autorités fiscales et la police fédérale
afin d'identifier les mécanismes de fraude fiscale, grave ou organisée, qui
nécessitent une attention particulière. »

Dans l’exposé des motifs de ce nouvel article, il peut être lu ce qui suit :
                                                                      5

L’article 3 remplace l’article 29 du Code d’Instruction criminelle.

1° Le nouveau paragraphe premier reprend l’alinéa premier et
l’alinéa 4 de l’ancien article 29. Aucun changement de fond n’est
apporté à cette disposition qui porte sur le principe général de la
dénonciation émanant des autorités constituées, des fonctionnaires
et des officiers publics. Ce paragraphe reprend également la dispense
de l’obligation de dénonciation prévue pour les fonctionnaires qui
ont recours au système de dénonciation prévu par la loi du
15 septembre 2013 relative à la dénonciation d’une atteinte
suspectée à l’intégrité dans une autorité administrative fédérale par
un membre de son personnel.

2° Le nouveau paragraphe 2 reprend l’alinéa deux de l’ancien
article 29. Cette disposition précise que les infractions de droit pénal
fiscal ne peuvent être communiquées par l’administration fiscale au
ministère public sans autorisation du conseiller général. Elle trouve
son origine dans la “Charte du contribuable”, à savoir la loi du
4 août 1986 portant des dispositions fiscales (M.B. 20 août 1986) et a
une fonction de filtre: l’objectif était et est qu’un haut fonctionnaire
(actuellement un conseiller général) vérifie le bien-fondé de la
plainte. Cette autorisation concerne les faits qui ne remplissent pas
les critères déterminés à l’alinéa 1er.

Le nouveau paragraphe 3 remplace l’alinéa 3 de l’article 29. Cet
article dispose que l’administration fiscale est tenue de communiquer
les faits graves de fraude fiscale au procureur du Roi.

Ainsi, comme c’est déjà le cas actuellement, les cas de fraude fiscale
les plus simples ou ceux qui ne requièrent pas de recourir aux moyens
dont disposent les autorités judiciaires seront traités par la voie
administrative. Dans ce cas, l’administration fiscale établira le
montant de la fraude et la sanctionnera par des sanctions
administratives.

Les dossiers dont l’examen fait apparaître des indices de fraude fiscale
plus grave répondant aux critères définis par le Roi feront, quant à
eux, l’objet d’une dénonciation au procureur du Roi. Il est important
de souligner que l’objectif est en effet de porter à la concertation des
dossiers le plus tôt possible afin d’éviter de possibles doubles
                                                                         6

enquêtes. Il n’est donc pas requis que l’administration fiscale ait déjà
fait toute l’enquête. C’est pourquoi le projet de texte précise que les
dossiers dénoncés sont ceux dont l’examen fait apparaître des
“indices” de fraude grave. Cette disposition est également en lien
avec le nouvel article 29bis du Code d’Instruction criminelle.
Elle est obligatoire en cas de fraude fiscale grave.

Dans un alinéa 2, le projet de texte impose en outre une concertation
obligatoire entre le ministère public, l’administration fiscale et, le cas
échéant, la police sur les dossiers qui ont été dénoncés par
l’administration fiscale. Cette concertation doit avoir lieu dans le
mois de la dénonciation des faits.

Le pouvoir d’appréciation du ministère public n’est en aucun cas
limité par ces nouvelles dispositions. Les critères obligent
l’administration fiscale à communiquer certains faits au ministère
public et entraînent une concertation obligatoire. Mais le ministère
public reste libre de décider de poursuivre ces faits.

L’alinéa 3 précise clairement que le ministère public dispose d’une
priorité. C’est à lui que revient de décider s’il poursuit les faits soumis
à la concertation. Le procureur du Roi doit prendre une décision dans
les 3 mois de la dénonciation originale. Le système mis en place
permet d’éviter les doubles poursuites et au moins les intégrer.

Dans son avis, le Conseil d’État suggère de compléter le
paragraphe 3 d’une disposition qui, dans l’attente de la concertation
à mener, règle les conséquences de la dénonciation sur l’exécution
de l’action de l’administration (note de bas de page n° 21 de l’avis).
L’avis du Conseil d’État n’est pas suivi sur ce point. Tant que la
concertation n’a pas eu lieu et que le procureur du Roi n’a pas décidé
de poursuivre les faits dans les délais prescrits, l’administration est
libre de poursuivre la procédure administrative.

Le projet de texte insère deux nouveaux paragraphes dans
l’article 29.

Le paragraphe 4 habilite le Roi à définir les critères qui permettent
d’identifier les faits de fraude fiscale grave, organisés ou non.
                                                                            7

     Ces critères peuvent être :
     — les faits qui se caractérisent par leur caractère sérieux et organisé ;
     — les faits pour lesquels il existe des indices sérieux qu’ils soient
       connexes à des infractions de droit commun comportant un volet
       financier, économique, fiscal ou social grave ou des éléments
       sérieux de corruption ;
     — les faits pour lesquels les actes d’information incluent une mesure
       contraignante ;
     — les faits pour lesquels il existe des indices sérieux qu’ils servent à
       financer les activités d’un groupe terroriste ou d’une organisation
       criminelle. » (Doc.Parl. Chambre 2018-2019, n° 543515/001, 7-9).

     Le paragraphe 5 organise une concertation stratégique entre le
     ministère public, les autorités fiscales et la police fédérale afin
     d’identifier les mécanismes de fraude fiscale grave, organisée ou non,
     qui nécessitent une attention particulière. Cette disposition permet
     de répondre à la recommandation 128 du rapport de la Commission
     spéciale Fraude fiscale internationale/ Panama Papers du
     31 octobre 2017 portant sur les Panama Papers et la fraude fiscale
     internationale stipulant que “la loi “Una Via” ne devrait pas
     seulement prévoir une consultation sur des dossiers spécifiques (en
     termes concrets), mais également une consultation stratégique (in
     abstracto) en ce qui concerne les nouveaux “phénomènes de fraude”,
     dont le parquet ou le SPF Finances ont connaissance “(Doc. parl.,
     Chambre, sess. ord., 2017-2018, DOC 54 2749/001, p.99). »

3.2. La disposition concernée dans le contexte de la publicité de
l’administration

L’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 consacrent le
principe du droit d’accès à tous les documents administratifs. L’accès aux
documents administratifs ne peut être refusé que lorsque l’intérêt requis
pour l’accès à des documents à caractère personnel fait défaut et lorsqu’un
ou plusieurs motifs d’exception figurant à l’article 6 de la loi du 11 avril
1994 peuvent ou doivent être invoqués et qu’ils peuvent être motivés de
manière concrète et pertinente. Seuls les motifs d’exception imposés par la
loi peuvent être invoqués et doivent par ailleurs être interprétés de
manière restrictive (Cour d’Arbitrage, arrêt n° 17/97 du 25 mars 1997,
considérants B.2.1 et 2.2 et Cour d’Arbitrage, arrêt n° 150/2004 du 15
septembre 2004, considérant B.3.2).
                                                                               8

Il en ressort que dès qu’un document est qualifié de document
administratif au sens de la loi du 11 avril 1994, la publicité ne peut être
refusée que si un motif d’exception doit ou peut être invoqué et que ce
dernier est suffisamment concrètement motivé.               Un document
administratif est défini comme étant « toute information, sous quelque
forme que ce soit, dont une autorité administrative dispose ». Cette
définition confirme donc qu’il n’est pas nécessaire que l’autorité
administrative soit l’auteur du document concerné. Les documents
d’autres autorités, citoyens ou entreprises qui sont en la possession d’une
autorité administrative, doivent dès lors également être considérés comme
des documents administratifs. Leur publicité est soumise à l’article 32 de
la Constitution et au champ d’application de la loi du 11 avril 1994.

Le droit d’accès fondé sur l’article 32 de la Constitution et sur la loi du 11
avril 1994 comprend, sauf application d’un motif d’exception légal, non
seulement le droit d’obtenir une copie, explication et un extrait d’un
document administratif, mais également, implicitement, le droit de savoir
qu’un document administratif existe.

Le recours à un motif d’exception implique en principe toujours une
motivation explicite à moins que l’on puisse appliquer les motifs
d’exception de l’article 4 de la loi du 29 juillet 1991 ‘relative à la motivation
formelle des actes administratifs’ (ci-après : loi du 29 juillet 1991). Ces
motifs d’exception doivent en effet être interprétés de manière restrictive.
En outre, la Commission doit constater que dans ce cas, l’article 4 de la loi
du 29 juillet 1991 ne fournit pas de base pour se soustraire à l’obligation de
motivation formelle à moins qu’une obligation de confidentialité fixée par
une autre loi (spécifique) puisse être invoquée en combinaison de l’article
4, 4° de la loi du 29 juillet 1991. La combinaison de la loi du 29 juillet 1991
et des motifs d’exception repris dans la loi du 11 avril 1994 implique en
principe que, pour tout motif d’exception de la loi du 11 avril 1994
invoqué, l’existence d’un document administratif doit être au moins
confirmée et la raison de l’impossibilité de rendre publics les documents
administratifs doit être donnée. Cette justification doit être effectuée in
concreto.

En ce qui concerne la possibilité d’invoquer des motifs d’exception, la
Commission pense tout d’abord à la possibilité d’invoquer l’article 6, §1er,
5° de la loi du 11 avril 1994 sur la base duquel une autorité administrative:
                                                                           9

     « rejette la demande de consultation, d'explication ou de
     communication sous forme de copie d'un document administratif si
     elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la
     protection de l'un des intérêts suivants : […] 5° la recherche ou la
     poursuite de faits punissables. »

Ensuite, l’article 6, §1er, 6° de la loi du 11 avril 1994 peut éventuellement
être invoqué, sur la base duquel une autorité administrative

     « rejette la demande de consultation, d'explication ou de
     communication sous forme de copie d'un document administratif si
     elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la
     protection de l'un des intérêts suivants : […] 6° un intérêt
     économique ou financier fédéral, la monnaie ou le crédit public. »

Comme il ressort de la jurisprudence du Conseil d’État et de la pratique
d’avis de la Commission, l’intérêt fiscal doit également être compris.

Les deux motifs d’exception repris ci-avant requièrent outre une
motivation in concreto, une mise en balance entre d’une part, l’intérêt
général de la publicité et d’autre part, l’intérêt protégé par le motif
d’exception légal.

En ce qui concerne le motif d’exception spécifique à l’article 6, §1er, 5° de
la loi du 11 avril 1994, la Commission tient à souligner que la
communication-même de l’existence d’une lettre d’avis du Procureur du
Roi semble impliquer d’office que le contenu de ce courrier devrait
également être rendu public. La transmission de cette information peut
également causer des dommages à l’enquête, à la poursuite d’infractions
pénales et au secret d’une enquête judiciaire. Le risque que, par la
publication de ces informations, l’individu faisant l’objet d’une enquête
judiciaire fasse disparaître certains éléments ou fasse pression sur des
personnes, est bien réel car cela concerne des cas où il y a des indices de
fraude massive.

Cependant, aucune mise en balance n’est exigée pour le motif d’exception
repris à l’article 6, §2, 2° de la loi du 11 avril 1994 sur la base duquel :

     « une autorité administrative fédérale ou non fédérale rejette la
     demande de consultation, d'explication ou de communication sous
                                                                             10

       forme de copie d'un document administratif qui lui est adressée en
       application de la présente loi si la publication du document
       administratif porte atteinte : […] 2° à une obligation de secret
       instaurée par la loi; »
en combinaison de l’article 28quinquies, §1er du Code d’instruction
criminelle. Il suffit dans ce cas de motiver concrètement que la publication
peut porter atteinte au secret de l’enquête judiciaire tel que fixé par
l’article 28quinquies, § 1er de Code d’instruction criminelle.

L'article 28quinquies du Code d'Instruction criminelle a été inséré par
l'article 5 de la loi du 12 mars 1998 relative à l'amélioration de la procédure
pénale au stade de l'information et de l'instruction. Il ressort des travaux
parlementaires de cette loi (Doc. Parl. La Chambre, 1996 - 1997, document
n° 857/1, 7 et 26) que cet article introduit explicitement le secret de
l'instruction et qu’il s'applique tant à l'égard de l'auteur des faits et de la
victime qu'à l'égard de tiers et du public. Il a été jugé nécessaire, pour le
bon déroulement de l'enquête préliminaire, d'empêcher que la divulgation
d'informations résulte en la perte d'éléments de preuve importants et, pour
la protection des droits du suspect, d'empêcher que la divulgation
d'informations ne puisse conduire à un jugement public entraînant une
violation du droit à la présomption d'innocence et au droit au respect de
la vie privée. L'information est « l'ensemble des actes destinés à rechercher
des infractions, leurs auteurs et les preuves, et à rassembler les éléments
utiles à l'exercice de l'action publique » et se déroule sous la direction de
l'autorité du ministère public. Il ressort des travaux parlementaires que le
secret de la phase préparatoire du procès n'est pas absolu et doit être adouci
à l'égard de la presse afin de garantir le droit à la liberté d'expression prévu
à l'article 10 de la CEDH.

À l'égard du suspect, le principe du caractère secret de la phase
préparatoire du procès a pour conséquence qu'il n'est en principe pas
impliqué dans les investigations, hormis dans les investigations qui le
concernent personnellement, et que les résultats de ces investigations ne
lui sont pas communiqués. Au cours de cette phase, ni le suspect ni son
avocat n'ont le droit de regard dans le dossier pénal.

L'article 28quinquies, § 1er du Code d'Instruction criminelle dispose que
l'information est en principe secrète et que toute personne qui est appelée
à prêter son concours professionnel à l'information est tenue au secret de
l'enquête. Cette disposition ne s'applique toutefois pas aux fonctionnaires
                                                                           11

de l'Inspection spéciale des Impôts, étant donné que sur la base de l'article
463, premier alinéa du CIR 92 ceux-ci ne peuvent être entendus que
comme témoins. La Cour de cassation, dans ses arrêts du 29 mars 1994 et
du 17 décembre 2008 (AR P.2008.0878.F, à consulter sur www.cass.be), a
jugé que la disposition de l'article 463 précité impliquait que les
fonctionnaires des administrations fiscales « ne peuvent intervenir à titre
d'expert ou participer à des perquisitions, des descentes sur les lieux ou des
auditions effectuées par le juge d'instruction, le procureur du Roi ou la
police judiciaire », tout en précisant qu' « ils peuvent cependant, ensuite
d'une plainte ou dénonciation régulière par un fonctionnaire habilité,
communiquer des renseignements au parquet ou au juge d'instruction et
même transmettre le dossier fiscal ».

Considérant qu'en raison de cette interdiction d'entendre les
fonctionnaires des administrations fiscales autrement que comme témoins,
ces fonctionnaires ne peuvent collaborer activement à l'information ou à
l'instruction et ne peuvent être réputés, lorsqu'ils transmettent des
informations au procureur du Roi, accomplir un acte participant à
l'information judiciaire. Que partant, ils ne peuvent être tenus au secret de
cette information, l'obligation du secret de l'information concernant les
magistrats du ministère public, les employés du parquet, les membres des
corps de police, les experts désignés par le parquet, …, mais non les
témoins. (C.E. n° 215.115 du 13 septembre 2011 ; C.E. n° 215.116 du 13
septembre 2011 ; C.E. n° 215.117 du 13 septembre 2011 C.E, n° 215.118 du
13 septembre 2011 ; no 215.119 du 13 septembre 2011 ; C.E. n° 215.120 du
13 septembre 2011 ; no 215.355 du 27 septembre 2011 ; C.E. n° 215.475 du
30 septembre 2011 ; C.E. n° 215.545 du 4 octobre 2011 ; C.E. n° 215.546 du
4 octobre 2011 ; C.E. n° 215.562 du 5 octobre 2011 ; C.E. n° 215.561 du 5
octobre 2011

L’obligation de confidentialité liée à l’article 28quinquies, §1er du Code
d’instruction criminelle n’est cependant pas absolue. Par ailleurs, pour
l’accès au dossier judiciaire, il existe la possibilité de demander aux
autorités judiciaires de consulter ou d’obtenir une copie d’un document, et
par le biais de la loi du 18 mars 2018 ‘modifiant diverses dispositions du
droit pénal, de la procédure pénale et du droit judiciaire’ (MB 2 mai 2018),
une procédure spécifique a été élaborée, en ce compris la procédure de
recours contre un refus de consultation ou de remise de copie. Cette
réglementation spécifique ne relève pas du droit d’accès tel que garanti par
l’article 32 de la Constitution et de la loi du 11 avril 1994.
                                                                           12

3.3. Conclusion

La Commission estime que l’administration fiscale, sur la base de l’article
5, § 1er, 5° de la loi du 11 avril 1994 peut refuser d’informer de l’existence
et du contenu de la communication du Procureur où ce dernier décide de
procéder à une poursuite et peut se contenter, dans sa justification pour ce
qui concerne ce document administratif, d’indiquer si une telle
communication existe ou non et pourrait porter atteinte à la possibilité
d’enquêter sur et de poursuivre des infractions pénales. L’intérêt général
servi par l’enquête et la poursuite de faits pénaux prend, en tout cas, le
dessus. L’intérêt d’avoir connaissance de cette communication se fonde
principalement sur un intérêt personnel. L’intérêt général servi par la
publicité ne l’emporte en tout cas pas.


Bruxelles, le 23 septembre 2019.




   F. SCHRAM                                                   K. LEUS
   secrétaire                                                 présidente

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