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Avis n° 88

Concernant l’accès à tous les dossiers administratifs concernant les titres « mcs »

Transposition

  Commission d’accès aux et de
   réutilisation des documents
           administratifs

  Section publicité de l’administration




               12 juillet 2018




            AVIS n° 2018-88

CONCERNANT L’ACCÉS À TOUS LES DOSSIERS
 ADMINISTRATIFS CONCERNANT LES TITRES
                « MCS »
               (CADA/2018/85)
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   1. Un aperçu

1.1. Par lettre du 4 mai 2018, Maîtres Fabrice Mourlon Beernaert et Pia
Sobrana Gennari Curlo demandent à la Banque Nationale de Belgique, au
nom de leurs clients QVT Fund, Quintessence Fund LP et MCS Holdings
Limited, « de consulter, et le cas échéant recevoir copie de tous dossiers
administratifs concernant les titres « MCS » [ayant fait l’objet d’un
prospectus du 27 décembre 2007 établi par Fortis N.V., inscrite sous le
numéro 30072145 au Registre du Commerce d’Utrecht, Fortis SA/NV,
inscrite sous le numéro 0451.406.524 à la Banque-Carrefour des
Entreprises, Fortis Bank Nederland N.V., inscrite sous le numéro
30080248 au Registre du Commerce d’Utrecht, et Fortis Bank SA/NV,
inscrite sous le numéro 0403.199.702 à la Banque-Carrefour des
Entreprises], ou impliquant ceux-ci et en particulier :
a. leur émission (d’abord sous forme de « Conditional Capital
Exchangeable Notes » (« CCEN »))
b. leur qualification au titre de TIER 1
c. leur conversion en actions ageas
et notamment :
d. l’accord quadripartite du mois de juillet 2007 signé entre Fortis N.V.,
Fortis SA/NV, Fortis Bank SA/NV et Fortis Bank Nederland (Holding)
N.V., qui définit les droits et obligations respectifs des émetteurs dans le
cadre de l’émission des emprunts obligatoires « MCS », ainsi que
l’ensemble du dossier y relatif ;
e. la transaction conclue le 28 juin 2012 entre ageas SA/NV et ageas N.V.,
et ABN Amro Group N.V. et ABN Amro Bank N.V., et NL Financial
Investments (pour le compte de l’Etat néerlandais) concernant le
règlement des procédures judiciaires relatives à ABN Amro Capital
Finance Limited (anciennement Fortis Capital Company Ltd) et aux
« MCS » ainsi que l’ensemble du dossier y relatif ».
Elle demande d’accès au sens de l’article 5 de la loi du 11 avril 1994
‘relative à la publicité de l’administration’, ou de toute autre disposition
applicable.

1.2. Par lettre du 12 juin 2018, le Comité de direction de la Banque
Nationale de Belgique refuse l’accès aux documents administratifs
demandés pour les raisons suivantes : « Les documents datent d’une
période déjà ancienne lors de laquelle la Commission bancaire, financière
et des assurances (ci-après, la CBFA) agissait en qualité, à la fois,
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d’ « autorité de contrôle prudentiel » et d’« autorité de surveillance des
marchés financiers ».

Suite à la réforme dite « Twin peaks » [voyez l’arrêté royal du 3 mars
2011 ‘mettant en œuvre l’évolution des structures de contrôle du secteur
financier’], les compétences de « contrôle prudentiel » ont été transférées
la Banque nationale de Belgique (ci-après, la BNB) et les compétences de
« surveillance des marchés » sont demeurées auprès de la CBFA,
aujourd’hui dénommée l’Autorité des services et des marchés financiers
(ci-après, la FSMA).

S’agissant des documents analysés par la CBFA, sous l’angle de ses
compétences d’« autorité de contrôle prudentiel », il revient aujourd’hui à
la BNB d’évaluer dans quelle mesure elle peut donner suite à la demande,
conformément aux dispositions applicables de la loi du 11 avril 1994
relative à la publicité de l’administration.

Nos recherches diligemment effectuées ont permis d’identifier certains
documents en lien avec la décision de la CBFA du 10 juillet 2007 de
qualifier les MCS au titre de TIER 1.

Il a été analysé dans quelle mesure les dispositions de la loi du 11 avril
1994 relative à la publicité de l’administration permettaient à la BNB de
vous donner accès à ces documents.

À cet égard et dans la mesure où la BNB est assujettie au secret
professionnel en application de l’article 35 de la loi du 22 février 1998
fixant le statut organique de la Banque nationale de Belgique', le Comité
de direction de la BNB a, lors de sa réunion de ce 12 juin, décidé de
refuser l’accès aux documents demandés en application de l’article 6, § 2,
2° de la loi du 11 avril 1994 précitée. En effet, les documents demandés
contiennent des informations confidentielles dont la BNB dispose en
raison de l’exercice de ses missions et sont dès lors couverts par le secret
professionnel auquel la BNB est assujettie.

En ce qui concerne les documents repris sous les points a, c et e de votre
demande, veuillez noter qu’ils ne sont pas en la possession de la BNB. On
note que dans la mesure où le contenu de certains de ces documents est
susceptible de ressortir des compétences de « marchés » de la CBFA,
certains d’entre eux pourraient être en possession de la FSMA ».
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1.3. Par lettre du 8 juin 2018 donnant suite à une lettre des demandeurs
du 4 mai 2018, la FSMA les informe qu’elle ne dispose pas de
l’information sur l’opération concernée parce que « cette opération n’a
[…] pas fait l’objet d’un prospectus soumis à l’approbation de la CBFA ».

1.4. Par lettre et fax du 4 juillet 2018, les demandeurs introduisent une
demande en reconsidération auprès de la Banque Nationale de Belgique.
Dans cette demande, ils sollicitent « une copie du procès-verbal de la
réunion du Comité de direction de la BNB du 12 juin 2018 qui aurait
décidé de refuser l’accès aux documents demandés, ainsi que tout
document annexe ou autre document soumis aux membres concernant ce
point de l’ordre du jour ». Au même moment, ils sollicitent la
Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs,
section publicité de l’administration, ci-après dénommée la Commission,
afin d’obtenir un avis.

   2.    La recevabilité de la demande d’avis

La Commission estime que la demande d’avis est recevable dans la seule
mesure où l’avis touche aux documents qui ont été demandés le 4 mai
2018. L’article 8, § 2, de la loi du 11 avril 1994 ‘relative à la publicité de
l’administration’ (ci-après : la loi du 11 avril 1994) requiert que la
demande de reconsidération auprès de la Banque Nationale de Belgique
et la demande d’avis auprès de la Commission soient introduites
simultanément. Le demandeur a satisfait à cette obligation de
simultanéité. Pour le surplus, la demande d’avis n’est pas recevable en ce
qui concerne l’accès aux documents qui ont été demandés pour la
première fois dans la demande de reconsidération du 4 juillet 2018.

   3.    Le fondement de la demande d’avis

L’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 consacrent le
principe du droit d’accès à tous les documents administratifs. L’accès aux
documents administratifs ne peut être refusé que lorsque l’intérêt requis
pour l’accès à des documents à caractère personnel fait défaut et
lorsqu’un ou plusieurs motifs d’exception figurant à l’article 6 de la loi du
11 avril 1994 peuvent ou doivent être invoqués et qu’ils peuvent être
motivés de manière concrète et pertinente. Seuls les motifs d’exception
imposés par la loi peuvent être invoqués et doivent par ailleurs être
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interprétés de manière restrictive (Cour d’Arbitrage, arrêt n° 17/97 du 25
mars 1997, considérants B.2.1 et 2.2 et Cour d’Arbitrage, arrêt n°
150/2004 du 15 septembre 2004, considérant B.3.2).

La Commission souhaite souligner que le droit d’accès aux documents
administratifs peut seulement être invoqué pour autant que l’accès
touche à des documents administratifs existants. Il ressort de la réponse
de la Banque Nationale de Belgique qu’elle ne dispose pas de
l’information mentionnée sous les points a, c et e, et qu’elle a mentionné
la référence nécessaire à une autre autorité administrative qui, selon ses
informations, pourrait disposer des documents concernés, ce qui ne
semble pas être le cas. En ce qui concerne cet aspect, la demande d’avis
n’est pas fondée.


En ce qui concerne les documents dont, en principe, la Banque Nationale
de Belgique dispose, à savoir les documents mentionnés sous les points b
et d, la Commission doit constater que la Banque Nationale de Belgique
ne garantit pas qu’elle a retrouvé tous les documents qui correspondent
aux documents demandés sous b et d. Elle indique en effet ce qui suit :
« Nos recherches diligemment effectuées ont permis d’identifier certains
documents en lien avec la décision de la CBFA du 10 juillet 2007 de
qualifier les MCS au titre de TIER 1 ». Toutefois, afin d’être suffisamment
claire, la Banque Nationale de Belgique doit indiquer clairement quels
sont les documents qu’elle a identifiés comme correspondant aux
documents demandés sous b et d.


Ensuite, la Commission constate que la Banque Nationale de Belgique
invoque l’article 35 de la loi du 22 février 1998 ‘fixant le statut organique
de la Banque nationale de Belgique’, lu en combinaison avec l’article 6,
§ 2, 2°, de la loi du 11 avril 1994, afin de refuser la publicité. L’article 6,
§ 2, 2°, de la loi du 11 avril 1994 dispose qu’une autorité administrative
rejette la demande d’accès à un document administratif si la publication
du document administratif porte atteinte à une obligation de secret
instaurée par la loi. Il ressort de la jurisprudence de la Cour
constitutionnelle et de la pratique d’avis de la Commission qu’il ne suffit
pas d’invoquer ce motif d’exception, sans plus. L’exception visée
constitue en effet une exception à un droit fondamental qui doit être
interprétée de manière restrictive. En tout cas, il y a lieu de motiver in
concreto la raison pour laquelle les informations concernées tombent
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sous l’obligation de secret. Il faut en outre tenir compte de l’objectif que
visait le législateur en instaurant une disposition relative à l’obligation de
secret. Contrairement à ce que la Banque Nationale de Belgique emble
affirmer, des dispositions relatives à l’obligation de secret ne peuvent pas
toutes être interprétées de la même manière, car il y a lieu de tenir
compte de la spécificité de leur formulation et de leur objectif.

La Commission doit également attirer l’attention sur le fait qu’une
disposition légale relative à l’obligation de secret applicable dans le chef
de personnes individuelles ne signifie pas nécessairement que celle-ci
peut également être invoquée par une institution en tant que telle.

L’actuel article 35 de la loi du 22 février 1998 susmentionnée s’énonce
comme suit :

       « Hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice en
       matière pénale, la Banque et les membres et anciens membres de
       ses organes et de son personnel sont tenus au secret professionnel
       et ne peuvent divulguer à quelque personne ou autorité que ce
       soit les informations confidentielles dont ils ont eu connaissance
       en raison de leurs fonctions.
         La Banque, les membres de ses organes et de son personnel sont
       exonérés de l’obligation prévue à l’article 29 du Code
       d’instruction criminelle.
         Les infractions au présent article sont punies des peines prévues
       par l’article 458 du Code pénal. Les dispositions du livre 1er du
       Code pénal, sans exception du chapitre VII et de l’article 85, sont
       applicables aux infractions au présent article.
         Le présent article ne fait pas obstacle au respect par la Banque,
       les membres de ses organes et de son personnel de dispositions
       légales spécifiques en matière de secret professionnel, plus
       restrictives ou non, notamment lorsque la Banque est chargée de
       la collecte d’informations statistiques ou du contrôle prudentiel.
        § 2. Nonobstant le paragraphe 1er, la Banque peut communiquer
       des informations confidentielles :
       1° dans les cas où la communication de telles informations est
       prévue ou autorisée par ou en vertu de la loi ;
       2° pour dénoncer des infractions pénales aux autorités judiciaires ;
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       3° dans le cadre de recours administratifs ou juridictionnels contre
       les actes ou décisions de la Banque ou dans le cadre de toute autre
       instance à laquelle la Banque est partie ;
       4° sous une forme sommaire ou agrégée de façon à ce que des
       personnes physiques ou morales individuelles ne puissent pas être
       identifiées.
          La Banque peut rendre publique la décision de dénoncer des
       infractions pénales aux autorités judiciaires.
          § 3. Dans les limites du droit de l’Union européenne et des
       éventuelles restrictions expressément prévues par ou en vertu
       d’une loi, la Banque peut faire usage des informations
       confidentielles qu’elle détient dans le cadre de ses missions
       légales, pour l’accomplissement de ses missions visées aux articles
       12, § 1er, 12ter, 36/2, 36/3 et de ses missions au sein du SEBC ».

Il s’agit de la disposition actuellement en vigueur, telle que modifiée par
l’article 194 de l’arrêté royal du 3 mars 2011 ‘mettant en œuvre
l’évolution des structures de contrôle du secteur financier’ (M.B. du 9
mars 2011), confirmé par l’article 298 de la loi du 3 août 2012 ‘relative
aux organismes de placement collectif qui répondent aux conditions de la
Directive 2009/65/CE et aux organismes de placement en créances’ (M.B.
du 19 octobre 2012), d’une part, et par l’article 696 de la loi du 13 mars
2016 ‘relative au statut et au contrôle des entreprises d’assurance ou de
réassurance’ (M.B. du 23 mars 2016), d’autre part. Le Rapport au Roi
précédant l’arrêté royal du 3 mars 2011 indique, en ce qui concerne
l’article 194, qu’il adapte les dispositions relatives au secret professionnel
applicables à la Banque à la nouvelle situation créée par le transfert des
compétences de tutelle. Aucune explication n’y est donnée quant à
l’ampleur et à la portée du secret professionnel dans l’exposé des motifs
du projet de loi qui est venu la loi du 13 mars 2016. Ce n’était pas non
plus le cas de l’article 35 dans sa formulation initiale.

La Commission constate que le secret professionnel dont question dans
cette disposition porte tant sur les personnes mentionnées à l’article 35
que sur l’institution en tant que telle. Le secret professionnel ne
s’applique toutefois pas à toutes les informations. Il se limite aux «
informations confidentielles dont [la Banque et les membres et anciens
membres de ses organes et de son personnel] ont eu connaissance en
raison de leurs fonctions ». Il peut en être déduit que le législateur a
voulu protéger, entre autres, les intérêts économiques confidentiels
                                                                           8

d’acteurs tant publics que privés, et ce d’une manière plus forte qu’il ne
l’a fait avec l’article 6, §1er, 6° et 7° de la loi du 11 avril 1994. La
modification qui a été apportée à l’article 35 de la loi du 22 février 1998
par la loi du 13 mars 2016 apporte elle aussi peu de clarifications. Dans
les travaux parlementaires, il est relevé que l’objectif était

     « de clarifier l’usage que [la Banque Nationale de Belgique] peut
     faire des informations confidentielles qu’elle détient dans le cadre
     de ses missions légales. Cet usage est limité par les dispositions
     applicables du droit de l’Union et par des restrictions expressément
     prévues par ou en vertu de la loi.

     A cet égard, on rappelle que les directives relatives au contrôle des
     établissements financiers prévoient un principe de finalité
     concernant l’usage des informations collectées en qualité d’autorité
     de contrôle prudentielle.

     La loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à
     l’égard des traitements de données à caractère personnel, de même
     que l’article 25 de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du
     secteur financier et aux services financiers sont des exemples de
     limitations à prendre en compte.

     Il convient également de tenir compte de limitations découlant du
     respect des principes généraux du droit tel que le principe de bonne
     administration qui impose de prévenir les conflits d’intérêts et
     d’éventuelles limitations contractuelles ». (Doc. parl., Chambre,
     sess. ord. 2015-2016, n° 54-1584/001, pp. 362-363).

La décision du Comité de direction de la Banque Nationale de Belgique
n’est dès lors pas suffisamment motivée parce qu’il n’est pas
concrètement indiqué que les informations figurant dans les documents
administratifs demandés satisfont à la condition assujettissement au
secret professionnel. Par ailleurs, le législateur a prévu des exceptions
autorisant (art. 35, § 2, 1°) ou imposant (art. 35/1) à la Banque de
communiquer des informations confidentielles à des tiers. Par ailleurs, le
destinataire de ces informations est, à son tour, soumis à une obligation
de secret en vertu de l’article 35. Le Comité de direction de la Banque
Nationale de Belgique doit dès lors vérifier si la demande peut
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éventuellement tomber sous l’une de ces exceptions et cet examen doit
ressortir de la motivation.

Le fait que le motif d’exception figure à l’article 6, § 2, 2°, de la loi du 11
avril 1994 a pour conséquence qu’aucune justification d’intérêt n’est
requise et qu’il suffit qu’il soit concrètement démontré pour quelles
raisons il est porté préjudice au secret professionnel. Cependant, le
Comité de direction de la Banque Nationale de Belgique ne doit pas faire
de mise en balance de l’intérêt général avec l’objet du secret
professionnel pour l’invocation de ce motif d’exception.

La Commission souhaite ensuite attirer l’attention sur le principe de la
divulgation partielle tel qu’inscrit à l’article 6, § 4, de la loi du 11 avril
1994 et qui résulte l’article 32 de la Constitution. Selon ce principe, seule
peut être soustraite à la publicité l’information qui est couverte par un
motif d’exception dont l’invocation est suffisamment motivée. Toute
autre information contenue dans un document administratif doit être
rendue publique. La Commission constate que le Comité de direction a
manqué de procéder à cet examen de manière approfondie. Il ne revient
pas à une autorité administrative de juger si le demandeur peut utilement
utiliser les informations qui ne tombent pas sous des exceptions.




Bruxelles, le 12 juillet 2018.




   F. SCHRAM                                                    K. LEUS
   secrétaire                                                  présidente

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