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Avis n° 18

Sur l’accès aux documents qui révèlent la position de la Belgique sur des décisions de l’Union européenne

Transposition

       Commission d’accès aux et de
        réutilisation des documents
                administratifs

       Section publicité de l’administration




                       13 avril 2015




                   AVIS n° 2015-18

Sur l’accès aux documents qui révèlent la position de la
  Belgique sur des décisions de l’Union européenne


                     (CADA/2015/14)
                                                                           2

   1. Un récapitulatif

Par courrier en date du 6 novembre 2014, Monsieur Joseph Hage
Aaronson LLP, demande au nom de la compagnie pétrolière OJSC
Rosneft, à obtenir les informations suivantes qui sont en la possession du
SPF Affaires étrangères en ce qui concerne :
   - la Décision 2014/659/CSF du Conseil européen du 8 septembre
      2014 modifiant la Décision 2014/512/CFSP du Conseil du 31
      juillet 2014 au sujet des mesures restrictives dues aux actions de la
      Russie et conduisant à la déstabilisation de la situation en
      Ukraine; et
   - le Règlement (UE) N° 960/2014 du Conseil européen du 8
      septembre 2014 modifiant le Règlement (UE) N° 833/2014 du
      Conseil du 31 juillet 2014 au sujet des mesures restrictives dues
      aux actions de la Russie et conduisant à la déstabilisation de la
      situation en Ukraine.

Les informations demandées sont décrites comme suit : “Tous les
rapports, procès-verbaux, avis, soumissions, analyses, conseils (quelle que
soit leur description et y compris les communications électroniques) en la
possession du Ministère des Affaires Etrangères du Royaume de Belgique
qui ont été préparés et/ou pris en compte par le Belgique et/ou autres
Etats membres, et/ou des institutions de l’Union européenne en
préparation de ou en rapport avec les réunions du Conseil de l’Union
européenne lors desquelles des amendements et des mesures restrictives
additionnelles ont été envisagés en rapport avec la Décision de
modification et le Règlement de modification, qui incluent ou sont liés à:
    - les affirmations de fait qui figurent dans l’attendu de la Décision
        de modification;
    - les questions examinées dans le cadre de la décision de prolonger
        l’interdiction de certains instruments financiers en restreignant
        l’accès au marché boursier par certaines entités russes dont les
        activités principales sont la vente ou le transport de pétrole, dont
        Rosneft, et les raisons de la limitation de l’accès au marché
        boursier pour ces entités russes dans le secteur pétrolier de
        préférence à d’autres entités et des entités dans d’autres secteurs;
    - le choix des types de titres cessibles touchés par les contraintes
        visées à l’article 5 du Règlement tel que modifié, et
        spécifiquement, si (et dans ce cas pourquoi) ils devaient
        comprendre ces certificats représentatifs d’action émis après le 12
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    septembre 2014 en utilisant les actions préexistantes des entités
    énumérées;
-   les questions prises en compte lors de la décision d’interdiction de
    la prestation de services connexes spécifiés nécessaires à
    l’exploration et la production de pétrole en eau profonde, à
    l’exploration et la production de pétrole en Arctique ou aux
    projets d’extraction de pétrole de schiste (spécifiquement, (i) au
    forage, (ii) au test de puits, (iii) aux services d’extraction et de
    complétion, (iv) à la fourniture de vaisseaux flottants spécialisés)
    et les raisons de la spécification de ces services connexes en
    particulier par opposition à d’autres.
-   toute analyse de l’impact attendu à court, moyen et long terme
    des nouvelles mesures restrictives limitant l’accès aux marchés
    boursiers et l’interdiction des services connexes spécifiés imposée
    par la Décision de modification et le Règlement de modification
    sur le secteur de l’exploration et de la production pétrolières en
    Russie, et les exportateurs de l’UE pertinents appelés à être
    touchés par lesdites mesures;
-   les activités et l’impact prévu desdites nouvelles mesures
    restrictives sur les sociétés de Rosneft et toutes les autres
    compagnies du groupe Rosneft;
-   les raisons de présence de Rosneft dans la liste de trois entités en
    annexe V1 du Règlement de modification au titres des entités
    dont l’accès aux marchés boursiers est limité par l’article 5 (2) (b)
    du Règlement de modification;
-   les états membres qui ont proposé et/ou voté en faveur de la
    Décision de modification et du Règlement de modification, et les
    arguments à la fois en faveur de et contre les nouvelles mesures
    restrictives envisagées par le Conseil avant la mise en application
    de la Décision de modification et du Règlement de modification;
-   les autres mesures restrictives envisagées par la Belgique et/ou le
    Conseil entre août 2014 set septembre 2014 mais non adoptées, et
    les raisons correspondantes;
-   la légalité de la Décision de modification et du Règlement de
    modification;
-   la réaction prévue du gouvernement de la Fédération russe à
    l’exécution des nouvelles mesures restrictives, et en particulier en
    ce qui concerne ses objectifs de politique étrangère en ce qui
    concerne l’Ukraine;
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   -   les communications avec les Etats non-membres de l’UE, en
       particulier les Etats-Unis d’Amérique, concernant des mesures
       restrictives à l’étude ou devant être adoptées.

Il souhaite obtenir ces informations sous format électronique.

Par courrier en date du 5 décembre 2014, le SPF Affaires étrangères
signale qu’il a retrouvé 14 documents relatifs à cette demande. Il refuse
toutefois de divulguer ces documents parce que la publicité ne l’emporte
pas sur la protection des relations fédérales internationales de la Belgique
(article 6, §1er, 3° de la loi du 11 avril 1994) et l’ordre public, la sûreté ou
la défense nationale (article 6, §1er, 4° de la loi du 11 avril 1994). Il est
avancé que le SPF a estimé que l’intérêt de la publicité ne l’emporte pas
sur la protection des relations fédérales internationales de la Belgique et
plus particulièrement ses relations avec un état spécifique. La publicité
engendrerait la diffusion de points de vue et d’opinions développés par la
Belgique. Ces points de vue et opinions peuvent être opposés aux points
de vue d’autres états membres ou contestés par les institutions en vue de
la constatation de divergences éventuelles. Ces divergences peuvent être
exploitées sur le plan politique, ce qui peut nuire aux relations fédérales
internationales de la Belgique ou à l’ordre public, la sûreté ou la défense
nationale. Les motifs d’exception s’appliquent à l’ensemble des
documents concernés et ne permettent pas d’accorder un accès partiel. Le
SPF Affaires étrangères invoque en outre l’article 6, §2, 1° de la loi du 11
avril 1994 pour refuser de divulguer des informations qui portent atteinte
à la vie privée. De plus, le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur
et Coopération au Développement invoque également l’article 6, §2, 4°
de la loi du 11 avril 1994 et avance que cinq des 14 documents identifiés
concernent les intérêts visés à l’article 3 de la loi du 11 décembre 1998
relative à la classification, aux habilitations, attestations et avis de
sécurité. Enfin, le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et
Coopération au Développement invoque également l’article 6, §3, 1° de la
loi du 11 avril 1994. Il avance en effet que trois des quatorze documents
portent sur un processus décisionnel qui n’a pas encore été clôturé. Pour
cette raison, la diffusion de ces documents peut donner lieu à un
malentendu.

Par e-mail et courrier en date du 4 mars 2015, Monsieur Joseph Hage
Aaronson LLP introduit une demande de reconsidération auprès du SPF
Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au
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Développement. Le même jour, il introduit également par e-mail et par
courrier, une demande d’avis auprès de la Commission d’accès aux et de
réutilisation des documents administratifs, section publicité de
l’administration, ci-après dénommée la Commission.

   2. La recevabilité de la demande d’avis

La Commission estime que la demande d’avis est recevable. La
Commission constate que le demandeur a introduit simultanément la
demande de reconsidération et la demande d’avis comme stipulé à
l’article 8, §2 de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de
l’administration.

   3. Le bien-fondé de la demande d’avis

La Commission souhaite attirer l’attention du SPF Affaires étrangères,
Commerce extérieur et Coopération au Développement en lui rappelant
que l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994 partent du
principe de la publicité de tous les documents administratifs. La publicité
ne peut être refusée que si l’intérêt requis pour avoir accès aux
documents à caractère personnel fait défaut ou si un ou plusieurs motifs
d’exception doivent ou peuvent être invoqués et que cela est motivé de
manière concrète et pertinente. La Commission constate que le SPF
Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au
Développement a, il est vrai, invoqué des motifs d’exception mais il a
omis de les motiver de manière concrète.

La Commission tient également à mettre en avant le fait que le
demandeur introduit de nombreuses demandes d’informations.
Cependant, chaque information ne tombe pas automatiquement sous le
champ d’application de l’article 32 de la Constitution et de la loi du 11
avril 1994. Ce n’est le cas que lorsque les informations demandées sont
présentes dans un document administratif. Il ne peut pas être exigé sur la
base de l’article 32 de la Constitution et de la loi du 11 avril 1994 qu’un
nouveau document administratif soit rédigé pour satisfaire à une
demande d’informations.

Le demandeur affirme que le SPF Affaires étrangères, Commerce
extérieur et Coopération au Développement n’a pas suffisamment
cherché pour trouver les documents pertinents. Il estime peu plausible
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que le SPF ne dispose pas d’autres informations. La Commission constate
toutefois que le demandeur ne démontre d’aucune manière que cela est
le cas et que le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et
Coopération au développement aurait agi de mauvaise foi. On ne peut en
effet pas déduire du fait que, suite à une décision et un règlement
antérieurs, il existe de très nombreux documents administratifs en la
matière, que cela est aussi automatiquement le cas en ce qui concerne la
décision modifiée et le règlement modifié. Il est en outre également
possible que d’autres administrations fédérales avaient été consultées
pour la prise de décision et que les informations qu’elles ont apportées se
trouvent dans des documents administratifs qui ne sont pas en la
possession du SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et
Coopération au Développement.

La Commission constate que le SPF Affaires étrangères, Commerce
extérieur et Coopération au développement invoque en premier lieu le
fait qu’il doit refuser la publicité parce qu’il a constaté que la publicité ne
l’emporte par sur la protection des relations fédérales internationales de
la Belgique (article 6, § 1er, 3° de la loi du 11 avril 1994). A titre de
motivation de ce motif d’exception, le SPF avance qu’une divergence de
point de vue pourrait éventuellement être constatée entre les états
membres et cette divergence pourrait être utilisée à leur encontre. La
Commission estime qu’en soi, cela ne va pas nécessairement nuire aux
relations fédérales internationales. Un processus décisionnel
démocratique implique indéniablement qu’il existe plusieurs points de
vue différents au sujet d’un problème politique spécifique. Le SPF
démontre de manière insuffisamment concrète que la divulgation des
documents administratifs concernés pourrait effectivement nuire aux
relations fédérales internationales. Elle ne prouve pas non plus
immédiatement qu’en l’occurrence, l’intérêt servi par la publicité ne
l’emporte pas. On peut partir du principe que le public a un intérêt dans
le fait de prendre connaissance du point de vue adopté par la Belgique
dans cette discussion.

En deuxième lieu, le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et
Coopération au Développement invoque qu’il doit refuser la publicité
parce qu’il a constaté que l’intérêt de la publicité ne l’emporte pas sur la
protection de l’ordre public, la sécurité ou la défense nationale. Le SPF
omet cependant d’indiquer concrètement si c’est le cas et il omet
également de démontrer que l’intérêt public servi par la publicité ne
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l’emporte pas. Dans la mesure où les motifs invoqués relèveraient des
motifs d’exception de l’article 4 de la loi du 29 juillet 1991 relative à la
motivation formelle des actes administratifs, il y a alors lieu d’au moins
mentionner quel motif d’exception est d’application. Le motif
d’exception à l’article 6, § 1er, 4° de la loi du 11 avril 1994 déroge aux
exceptions applicables à l’obligation formelle de motivation.

En troisième lieu, le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et
Coopération au Développement se réfère à l’article 6, § 2, 1° de la loi du
11 avril 1994 sur la base duquel une autorité administrative doit rejeter la
publicité si elle a constaté que la publicité porte atteinte à la protection
de la vie privée. La Commission souhaite attirer l’attention sur le fait que
même si certains noms sont mentionnés, cela n’implique pas
automatiquement que la publication de ces noms porte également
atteinte à la protection de la vie privée des personnes concernées. Cela
est certainement le cas lorsqu’il s’agit de noms de fonctionnaires dans
l’exercice de leur fonction publique. Le SPF ne démontre pas non plus
que même si certaines informations porteraient sur la protection de la vie
privée, la publicité porterait préjudice à la protection de la vie privée.

Le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au
Développement invoque en outre l’article 6, § 3, 1° de la loi du 11 avril
1994 sur la base duquel une autorité administrative fédérale peut rejeter
la publicité lorsqu’il s’agit d’un document administratif dont la
divulgation peut être source de méprise, le document étant inachevé ou
incomplet. La Commission constate toutefois que la motivation pour le
motif d’exception invoqué n’est pas similaire au motif d’exception en ce
sens qu’elle concerne uniquement un document administratif et non sur
le caractère inachevé d’un processus décisionnel. Le motif d’exception
visé à l’article 6, § 3, 1° de la loi du 11 avril 1994 ne peut pas être invoqué
pour soustraire à la publicité tous les documents administratifs qui
concernent un processus décisionnel qui est encore inachevé mais
uniquement les documents administratifs qui présentent eux-mêmes un
caractère inachevé ou incomplet. Etant donné que tant la décision que le
règlement ont déjà été pris, ce motif d’exception ne peut dès lors plus
être invoqué.

Enfin, le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au
Développement se réfère également, pour certains documents
administratifs, à l’article 6, § 2, 4° de la loi du 11 avril 1994 sur la base
                                                                               8

duquel une autorité administrative fédérale doit refuser la publicité si
elle constate que la publicité porte atteinte aux intérêts mentionnés à
l’article 3 de la loi du 11 décembre 1998 relative à la classification et aux
habilitations, attestations et avis de sécurité. Comme la Commission l’a
déjà avancé précédemment, la formulation de ce motif d’exception est
problématique. Elle a estimé qu’elle ne peut pas concerner les documents
classifiés parce qu’il est exclu d’appliquer la loi du 11 avril 1994 à des
documents classifiés. De plus, on ne précise aucunement à quels intérêts
la publicité porterait atteinte: l’article 6, § 2, 4° de la loi du 11 avril 1994
se réfère en effet à un grand ensemble d’intérêts. La Commission souhaite
en outre rappeler que lors de l’interprétation de l’article 6, § 2, 4° de la loi
du 11 avril 1994, le principe constitutionnel du droit d’accès aux
documents administratifs tel que garanti par l’article 32 de la
Constitution, doit servir de fil conducteur. Pour cette raison, la
Commission estime que dans la mesure où des intérêts similaires sont
invoqués à l’article 6, § 1er de la loi du 11 avril 1994, ceux-ci ont priorité
sur ceux auxquels il est fait référence à l’article 6, § 2, 4°. Des intérêts
similaires à ceux visés à l’article 6, §1er de la loi du 11 avril 1994 et à
l’article 6, § 2, 4° ne peuvent être invoqués que pour autant qu’ils aient
une teneur plus vaste. Dans la mesure où les intérêts invoqués sont ceux
auxquels l’article 6, § 2, 4° se réfère, une autorité administrative ne peut
pas non plus se contenter de se référer à l’article, mais elle doit
démontrer concrètement que la publicité porte concrètement atteinte à
ces intérêts. La présence de ces intérêts ne suffit dès lors pas pour en
refuser la publicité.

La Commission trouve étrange qu’en ce qui concerne des documents
provenant des institutions de l’Union européenne, le SPF Affaires
étrangères, Commerce extérieur et Coopération au Développement n’a
pas évalué s’il y a lieu d’appliquer l’article 5 du Règlement 1049/2001. Cet
article dispose en effet que ‘à moins qu'il ne soit clair que le document
doit ou ne doit pas être fourni sur la base du Règlement 1049/2001 du
Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l’accès du
public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la
Commission, l'institution concernée doit être consultée afin de prendre
une décision ne compromettant pas la réalisation des objectifs de ce
Règlement’.

Enfin, la Commission souhaite rappeler le principe de la publicité
partielle sur la base duquel toutes les informations qui ne tombent pas
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sous la définition d’un motif d’exception doivent être divulguées. La
possibilité que de ce fait, le document administratif concerné contienne
encore à peine des informations ou que le document administratif
concerné soit source de méprise n’est pas pertinent. Le législateur n’a en
effet soumis la publicité partielle à aucune exigence si ce n’est qu’il s’agit
de toutes les informations auxquelles aucun motif d’exception ne
s’applique.

Bruxelles, le 13 avril 2015.




   F. SCHRAM                                                  M. BAGUET
   secrétaire                                                 présidente

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