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Avis n° 93

Sur l’accès aux documents qui révèlent la position de la Belgique sur des décisions de l’Union européenne

Transposition

       Commission d’accès aux et de
        réutilisation des documents
                administratifs

       Section publicité de l’administration




                    24 novembre 2014




                   AVIS n° 2014-93

Sur l’accès aux documents qui révèlent la position de la
  Belgique sur des décisions de l’Union européenne


                     (CADA/2014/88)
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   1. Un récapitulatif

Par courrier en date du 22 août 2014, Monsieur Joseph Hage Aaronson
LLP, demande au nom de OJSC Rosneft Oil Company, les informations
suivantes :
« information which (a) identifies any fact or circumstance relied on as
justifying the European Council Decision 2014/512/CFSP and European
Council Regulation (EU) 833/2014 of 31 July 2014, (b) identifies any
evidence or information on which assessments underpinning the
Decision or Regulation were based, (c) is or would have been otherwise
elevant to the making or not making of the Decision and the
Regulation ». Sans porter préjudice à la généralité de la demande, le
demandeur souhaite des copies spécifiques de tous les rapports, comptes
rendus de réunions, opinions, observations, analyses et avis pertinents
relatifs à:

   -   « The matters set out in the recitals to the Decision, and in
       particular the assertions of fact and law contained in recitals (1),
       (5), (6), (7), (8), (9) and (12) ;
   -   The matters set out in (including in particular the assertions of
       fact and law contained in the recitals to the Council Decision
       2014/145/CFSP of 17 March concerning restrictive measures in
       respect of actions undermining or threatening the territorial
       integrity, sovereignty and independence of Ukraine, which
       Decision is referred to in recital (2) to the Decision ;
   -   Any analysis of the short, medium and long-term impact which
       the measures imposed by the Decision and the Regulation were
       expected to have upon the oil exploration and production
       industry in Russia and relevant EU Exporters which were
       expected to be affected by the said measures ;
   -   The operations of, and anticipated impact of the said measures
       upon, Rosneft and its subsidiaries ;
   -   The request by the Council dated 21 March 2014 to the
       Commission and Member States to prepare possible targeted
       measures, and documents prepared by the Commission and/or the
       European External Action Service (EEAS) for the Council which
       set out the preparatory work on targeted measures, in particular
       in relation to sensitive technologies and the energy sector ;
   -   The reasons for adopting each of the definitions in Article 1 of the
       Regulation, and for the lack of definition of certain terms, and for
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       the listing of each of the specific technologies listed in Annex II
       of the Regulation ;
   - The adoption of Articles 7 and 8 of the Decision and Articles 11
       and 12 of the Regulation ;
   - Which Member States voted for the Decision and the Regulation,
       and the arguments both for and against the measures which were
       considered by the Council prior to the implementation of the
       Decision and the Regulation ;
   - Other restrictive measures which were contemplated or
       considered by the Council at the relevant time(s), but not
       adopted, and the reasons for not adopting such other restrictive
       measures ;
   - The legality of the Decision and the Regulation ;
   - The legality of Russia’s actions in relation to the Ukraine, and the
       factual basis for such legal analysis of Russia’s action ;
   - The anticipated reaction of the Government of the Russian
       Federation to the implementation of the measures, and in
       particular with regard to its foreign policy objectives in relation to
       the Ukraine ;
   - Communications with non EU Member States, in particular the
       United States of America, regarding restrictive measures under
       consideration or to be adopted. »
Le demandeur exprime le souhait de recevoir tous les documents par e-
mail sous un « machine-readable electronic format ».

Par courrier en date du 22 août 2014, le SPF Affaires étrangères,
Commerce extérieur et Coopération au Développement refuse de donner
accès aux documents demandés sur la base des motifs d’exception
suivants cités dans la loi du 11 avril 1994:
    - les relations internationales fédérales de la Belgique (article 6, §
       1er, 3° de la loi du 11 avril 1994)
    - l'ordre public, la sûreté ou la défense nationales (article 6, § 1er, 4°
       de la loi du 11 avril 1994).
Pour autant que cela soit nécessaire, le SPF Affaires étrangères,
Commerce extérieur et Coopération au Développement invoque
également l’article 6, § 2, 1° de la loi du 11 avril 1994 parce que la
publicité d’un certain nombre de documents auxquels se réfère le
demandeur portent atteinte au respect de la vie privée.
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Le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au
Développement invoque en outre l’article 6, § 2, 4° de la loi du 11 avril
1994 parce que certains documents portent sur les intérêts mentionnés à
l’article 3 de la loi du 11 décembre 1998 et pour cette raison ne peuvent
pas être diffusés.

Enfin, le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au
Développement invoque l’article 6, § 3, 1° de la loi du 11 avril 1994,
parce que nombre des documents demandés sont en rapport avec un
processus décisionnel (rapports intermédiaires, rapports d’avancement,
…) et ne peuvent pas être considérés comme achevés. Pour cette raison,
la publicité de ces documents peut engendrer un malentendu.

N’étant pas d’accord avec les motifs d’exception invoqués, Monsieur
Joseph Hage Aaronson LLP demande par courrier en date du 17
novembre 2014, envoyé par e-mail et par courrier, à la Commission
d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, ci-après
dénommée la Commission, de formuler un avis. Le même jour, il adresse
également une demande de reconsidération au SPF Affaires étrangères,
Commerce extérieur et Coopération au Développement.

   2. La recevabilité de la demande d’avis

La Commission constate que la demande d’avis est recevable. Le
demandeur a en effet adressé une demande de reconsidération à
l’autorité administrative fédérale concernée et une demande d’avis à la
Commission.

   3. Le bien-fondé de la demande d’avis

La Commission souhaite expressément attirer l’attention du SPF Affaires
étrangères, Commerce extérieur et Coopération au Développement sur le
fait que sur la base de l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril
1994 relative à la publicité de l’administration, tous les documents
administratifs sont en principe publics. La publicité ne peut être refusée
que si l’intérêt requis pour avoir accès aux documents à caractère
personnel fait défaut ou si un ou plusieurs motifs d’exception peuvent
être invoqués et que cela est motivé de manière concrète et pertinente.
La Commission ne peut que constater que toute motivation concrète en
vue d’étayer juridiquement le refus fait défaut.
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La Commission souhaite toutefois souligner que le droit d’accès aux
documents administratifs n’existe qu’à l’égard de documents
administratifs, ce qui implique que ceux-ci doivent exister. Le SPF
Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au
Développement n’a pas précisé s’il était en possession des documents
administratifs demandés vu la vaste portée de la demande.

Bien que la Commission ne remette pas en question le fait que pour
certaines informations contenues dans les documents administratifs
demandés, l’article 6, § 1er, 3° et 4° de la loi du 11 avril 1994 doit être
invoqué, il manque une motivation concrète pour le constat que l’intérêt
de la publicité ne l’emporte pas sur la protection des relations
internationales fédérales de la Belgique et la protection de l’ordre public,
de la sécurité et de la défense nationales. La Commission insiste sur le fait
qu’il s’agit ici de deux motifs d’exception. Invoquer ceux-ci ne requiert
pas seulement que l’on ait constaté qu’il est porté préjudice aux intérêts
énumérés à l’article 6, § 1er, 3° et 4°, mais qu’il y a également une mise en
balance concrète entre d’une part, l’intérêt servi par la publicité et
d’autre part, les deux intérêts protégés. La Commission souhaite attirer
l’attention sur le fait que lors de cette mise en balance, il n’y a pas lieu de
tenir compte de l’intérêt éventuel de la compagnie pétrolière concernée,
étant donné qu’elle ne peut qu’invoquer un intérêt particulier, mais bien
de l’intérêt général qui est servi par la publicité.

Le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au
Développement invoque en outre l’article 6, §2, 1° de la loi du 11 avril
1994. Ce motif d’exception dispose qu’une autorité administrative doit
refuser la publicité lorsque celle-ci porte atteinte à la vie privée, sauf si la
personne concernée a préalablement donné son accord par écrit à la
consultation ou à la communication sous forme de copie. Il manque à la
Commission toute indication concrète des informations pouvant tomber
sous ce motif d’exception. Elle tient à souligner que ce motif d’exception
peut en effet être invoqué lorsque la publicité porte atteinte à la vie
privée et non pour soustraire à la publicité toute information portant sur
des personnes physiques. Bien que le motif d’exception cité à l’article 6, §
2, 1° ait un caractère absolu, lors de l’évaluation, il y a lieu de tenir
compte des personnes concrètes. Il ressort en effet manifestement de la
jurisprudence que tout le monde ne bénéficie pas de la protection de la
vie privée dans une même mesure. Ce motif d’exception ne peut ainsi pas
être invoqué à l’égard des fonctionnaires lorsque les informations
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concernées ne portent que sur leur intervention administrative. Sur la
base de ce motif d’exception, leur identité ne peut en aucun cas être
soustraite à la publicité.

On ne peut pas non plus invoquer l’article 6, § 2, 4° de la loi du 11 avril
1994 sans motivation concrète. Dans ses rapports annuels, la Commission
a déjà, à plusieurs reprises, attiré l’attention sur la formulation
problématique de ce motif d’exception. Comme la Commission l’a déjà
précédemment avancé dans son avis 2010-32, l’article 6, § 2, 4° de la loi
du 11 avril 1994 ne peut pas porter sur des documents qui sont classifiés
sur la base de la loi du 11 décembre 1998 relative à la classification et aux
habilitations, attestations et avis de sécurité. L’article 26 de cette loi
exclut en effet que la loi du 11 avril 1994 s’applique aux documents
classifiés: “La loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de
l'administration ne s'applique pas aux informations, documents ou
données, au matériel, aux matériaux ou matières, sous quelque forme que
ce soit, qui sont classifiés en application des dispositions de la présente
loi.” En invoquant l’article 6, § 2, 4°, le SPF Affaires étrangères,
Commerce extérieur et Coopération au Développement exclut dès lors
les documents qui seraient classifiés des documents demandés.

La Commission estime que lors de l’interprétation de l’article 6, § 2, 4° de
la loi du 11 avril 1994, le principe constitutionnel du droit d’accès aux
documents administratifs, tel que garanti par l’article 32 de la
Constitution, doit servir de fil conducteur. Pour cette raison, la
Commission estime que dans la mesure où des intérêts similaires à
l’article 6, § 1er de la loi du 11 avril 1994 sont invoqués, ceux-ci sont
prioritaires sur ceux auxquels il est fait référence à l’article 6, § 2, 4°. Des
intérêts similaires à ceux mentionnés à l’article 6, §1er de la loi du 11 avril
1994 ne peuvent être invoqués que pour autant qu’ils aient une teneur
plus vaste. Dans la mesure où les intérêts invoqués sont ceux auxquels on
se réfère à l’article 6, § 2, 4°, une autorité administrative ne peut pas se
limiter à se référer simplement à l’article mais doit prouver concrètement
que la publicité porte préjudice à ces intérêts. La présence de ces intérêts
dans un document administratif ne suffit dès lors pas pour en refuser la
publicité.

La Commission souhaite en outre attirer l’attention sur le fait que
lorsqu’un document provient d’une institution de l’Union européenne, le
SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au
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développement est tenu, à moins qu’il ne soit clair que le document doit
ou ne doit pas être fourni, de consulter l’instance concernée afin de
pouvoir prendre une décision ne compromettant pas la réalisation des
objectifs du règlement 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil
du 30 mai 2001 relatif à l'accès du public aux documents du Parlement
européen, du Conseil et de la Commission et ce, sur la base de l’article 5
de ce Règlement. Un renvoi du demandeur vers l’instance concernée
n’est pas possible en droit belge.

Enfin, la Commission souhaite explicitement attirer l’attention sur le
principe de la publicité partielle qui implique que les informations
contenues dans un document administratif ne peuvent être soustraites à
la publicité que pour autant qu’elles tombent sous un motif d’exception
et que toutes les autres informations doivent être divulguées. Le SPF
Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au
développement manque à ses obligations parce qu’il omet de tenir
compte de la publicité partielle qui est non seulement mentionnée à
l’article 6, §4, de la loi du 11 avril 1994 mais découle directement de
l’article 32 de la Constitution.

Bruxelles, le 24 novembre 2014.




   F. SCHRAM                                              M. BAGUET
   secrétaire                                             présidente

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