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Avis n° 77

Sur la proposition de loi modifiant la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration (//Doc. parl.// Chambre des Représentants, DOC 54 0061/001)

Transposition

      Commission d’accès aux et de
       réutilisation des documents
               administratifs

      Section publicité de l’administration




                    29 septembre 2014




                   AVIS n° 2014-77

 sur la proposition de loi modifiant la loi du 11 avril
1994 relative à la publicité de l’administration (Doc.
parl. Chambre des Représentants, DOC 54 0061/001)


             (CADA/2014/avispropreinitiative1)
                                                                                2

      1. Mise en contexte

Le 14 juillet 2014, Mesdames Leen Dierick et Veerle Heeren ont
introduit une proposition de loi modifiant la loi du 11 avril 1994 relative
à la publicité de l’administration. Cette proposition reprend, avec un
certain nombre d’adaptations, le texte de la proposition de loi DOC 63
2096/001 précédemment introduite au sujet de laquelle la Commission
d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section
publicité de l’administration, ci-après dénommée la Commission, a déjà
formulé un avis, plus spécifiquement l’avis 2012-42.

Le législateur n’a pas encore imposé de condition d’avis systématique à
l’égard de toutes les initiatives législatives relatives à la publicité mais, sur
la base de l’article 8, § 4 de la loi du 11 avril 1994, la Commission a la
possibilité de formuler un avis sur l’application générale de la loi relative
à la publicité de l’administration. Par ailleurs, elle peut faire des
propositions au pouvoir législatif en ce qui concerne l’application et
l’éventuelle révision de cette loi. Cela constitue le fondement légal sur la
base duquel la Commission a élaboré le présent avis.

      2. Analyse et évaluation

La Commission tient à ce que le législateur se penche à nouveau sur la
législation fédérale en matière de publicité afin de corriger un certain
nombre de points.

L’intention des auteurs est clairement plus restrictive que ce qu’elle qui
était le cas dans de la proposition initiale et en ce qu’elle se limite, au vu
de l’article 32 de la Constitution, à « établir des règles claires concernant
les documents administratifs qui peuvent être consultés, des procédures
de demande modernes et courtes et, enfin et surtout, une instance de
recours indépendante en cas de litige ou de refus » (proposition de loi p.
3).

La Commission constate toutefois qu’à la lumière de cette intention, les
auteurs n’ont pas suffisamment tenu compte des remarques et problèmes
que la Commission a signalés dans ses rapports annuels. Un certain
nombre de ces problèmes constituent en effet un obstacle important au
bon fonctionnement de la publicité de l’administration au niveau du
pouvoir fédéral. Par ailleurs, les auteurs ne tiennent pas compte des
                                                                          3

évolutions qui surviennent à l’étranger et au niveau international dans le
domaine de la publicité de l’administration. Ils se contentent en effet de
s’inspirer du décret flamand du 26 mars 2004 relatif à la publicité de
l’administration. Ils oublient toutefois que ce décret devait résoudre un
certain nombre de problèmes de conformité avec l’article 32 de la
Constitution qui n’ont jamais été rencontrés au niveau fédéral à l’égard
de la loi du 11 avril 1994 qui a en effet partiellement servi d’exemple
pour la rédaction de ce décret. La fonction d’exemple de ce décret doit
donc être évaluée avec la prudence nécessaire.

       2.1 Plaidoyer en faveur d’un renouvellement fondamental

La proposition de loi se fonde sur une vision désuète de la publicité de
l’administration dans laquelle la publicité passive, ou la publicité à la
demande, constitue le cœur de la publicité de l’administration. Cette
vision est surannée. L’accent doit être bien plutôt mis sur la publicité
active des documents administratifs. Les technologies actuelles de
l’information offre la possibilité de rendre publics la majorité des
documents administratifs de manière active grâce à des fonctionnalités de
recherche qui ne requièrent pas du citoyen de devoir introduire une
demande. Cela offre un certain nombre d’avantages. En premier lieu, le
citoyen peut prendre connaissance de documents administratifs dont il
ne pouvait connaître l’existence. Par ailleurs la publicité active implique
une simplification administrative considérable tant pour l’administration
que pour le citoyen. En effet, plus aucune procédure n’est exigée. A cet
égard, la proposition de loi ne tient pas suffisamment compte de l’un de
ses propres objectifs, à savoir « (…) adapter la réglementation au
traitement électronique des textes » (proposition de loi p. 3).

En explorant cette piste, le législateur fédéral sera à nouveau le pionnier
de la publicité de l’administration en Belgique, car sur ce point
également, le décret du 26 mars 2004 n’est pas encore adapté aux
possibilités et évolutions technologiques au sein de l’administration.

       2.2 L’élargissement du champ d’application personnel (article 2 de
           la proposition de loi)

Les auteurs de la proposition de loi ont opté pour un élargissement du
champ d’application personnel à la fois en introduisant une nouvelle
notion permettant de définir le champ d’application personnel qu’en
                                                                                           4

proposant une nouvelle définition du champ d’application personnel lui-
même. De cette manière, ils rencontrent les attentes de la Commission
quant à l’adaptation de ce champ d’application personnel.

    2.2.1    L’élargissement du champ d’application personnel par le biais
             de l’introduction de la notion “d’instance administrative”

    2.2.1.1 Justification

Afin de réaliser cet élargissement, les auteurs de la proposition de loi
proposent de recourir à la notion “d’instance administrative”, afin que la
législation en matière de publicité concorde avec la législation telle qu’en
vigueur dans les régions et celle portant sur les informations
environnementales. La proposition de loi dispose qu’il s’agit “d’une
harmonisation demandée par le secteur” (proposition de loi p.4), mais
l’on n’aperçoit pas clairement de quel secteur il s’agit, outre le fait que
cette législation ne s’adresse pas à un secteur mais principalement au
public dans son ensemble.

La Commission souhaite par ailleurs attirer l’attention sur le fait que la
présentation des choses ne cadre pas avec la réalité. La notion “d’instance
administrative” n’est utilisée que dans le décret du 26 mars 2004 de la
Communauté flamande et de la Région flamande relatif à la publicité de
l’administration.

La proposition entend introduire une notion définie en termes clairs et
plus large que la notion “d’autorité administrative” qui est actuellement
la notion de base permettant de décrire le champ d’application personnel
de la législation fédérale en matière de publicité.

La notion “d’autorité administrative” est définie comme “une autorité
administrative visée à l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil
d'Etat” (article 1er, alinéa 2, 1° de la loi du 11 avril 1994; article 2, alinéa
2, 1° de la loi du 12 novembre 1997 relative à la publicité de
l’administration dans les provinces et les communes 1 ). La notion


1 La Commission souhaite attirer l’attention des auteurs de la proposition de loi sur le
fait que bien que la compétence organique pour les provinces et les communes a été
transférée aux régions, ce transfert n’a pas été intégral. Le législateur fédéral a conservé
un certain nombre de compétences organiques et est par conséquent resté compétent
                                                                                       5

d’autorité administrative est trop étroitement liée à la prise de décisions
unilatérales contraignantes et au contentieux objectif. Or, il était clair
que l’intention du législateur constitutionnel était de ne pas faire ce lien
et de garantir un droit d’accès à tous les documents administratifs
indépendamment du fait qu’ils ont un lien direct avec le processus
décisionnel. La Commission a également adopté ce point de vue dans son
rapport annuel 2011 dans lequel elle avançait ce qui suit:

            « Toutefois, l’application de la publicité de l’administration ne
           requiert pas nécessairement l’existence d’actes juridiques
           administratifs, de sorte que la référence faite à l’article 14 des
           lois coordonnées sur le Conseil d’État pose problème dans
           certains cas. En raison de la sécurité juridique, il est dès lors
           souhaitable que le législateur décrive lui-même clairement le
           champ d’application de la loi du 11 avril 1994 et que,
           conformément à l’article 32 de la Constitution, il opte pour une
           interprétation extensive. »

La notion “d’autorité administrative” constitue non seulement une base
trop étroite pour donner forme au droit constitutionnel mais cette notion
engendre en outre une grande insécurité juridique.

C’est donc là une bonne chose pour les auteurs de cette proposition de loi
que de vouloir y mettre fin.

Les auteurs de la proposition se réfèrent également à la manière dont la
loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière
d’environnement, adoptée en exécution de la directive 2003/4/CE, cerne
le champ d’application personnel. Il n’est ici plus fait usage de la notion
« d’autorité administrative » mais bien de la notion « d’instance
environnementale ». La Commission souhaite toutefois attirer l’attention
sur le fait que le législateur n’avait ici qu’un choix limité en tant qu’il
devait se conformer au champ d’application de la directive européenne.

C’est à juste titre que les auteurs de la proposition visent à ne pas
« rétrécir le droit constitutionnel d’accès aux documents administratifs à
la publicité de l’autorité administrative, du moins pour autant qu’il

pour organiser l’accès aux documents relatifs à ces compétences. De ce fait, la loi du 12
novembre 1997 a gardé son intérêt au niveau fédéral.
                                                                                      6

s’agisse de l’exécution des missions de service public, sachant notamment
qu’un nombre croissant de missions d’intérêt public sont confiées en
sous-traitance à des partenaires privés ou attribuées à des entreprises
publiques » (proposition de loi p. 7).

La Commission souhaite néanmoins attirer l’attention sur le fait que le
choix d’une nouvelle notion pour décrire le champ d’application doit
renforcer la sécurité juridique et que le remplacement d’une notion par
une autre ne permet pas nécessairement d’atteindre cet objectif. La
Commission souhaite dès lors examiner si la notion “d’instance
administrative” engendre une plus grande sécurité juridique.

    2.2.1.2 La notion “d’instance administrative” dans le décret du 26
            mars 2004 comme solution au problème

Les auteurs de la proposition de loi choisissent de faire de la notion
“d’instance administrative”, telle que définie dans le décret flamand du
26 mars 2004, la notion-clé de la législation fédérale en matière de
publicité. Le législateur flamand a circonscrit cette notion. La
Commission souhaite souligner que cette définition repose sur un certain
nombre de critères qui sont la conséquence de choix politiques posés à
moment donné. D’autres critères sont toutefois possibles. Il y a lieu de
réfléchir de manière approfondie aux critères dans la mesure où ceux-ci
ont pour conséquence que si certaines institutions tombent sous la
définition de la notion, ce ne sera pas le cas pour d’autres.

Le choix qui a été fait d’opter pour la notion “d’instance administrative”
dans le décret du 26 mars 2004 n’est en outre pas sans problèmes
d’interprétation. C’est ainsi que le Conseil d’Etat a interprété une partie
de la définition de la notion « d’instance administrative », telle qu’utilisée
dans le décret du 26 mars 2004, d’une manière qui ne correspond pas
nécessairement à l’interprétation que le législateur décrétal flamand
envisageait de lui donner en sorte que le champ d’application attribué à
la législation en matière de publicité est plus limité.2 Il est donc de peu de
sens d’entrer dans une logique qui aboutit à créer de nouveaux problèmes
d’interprétation dans la réglementation fédérale en matière de publicité.



2
 Voir à ce propos F. SCHRAM, "Het begrip "bestuursinstantie" en onderwijsinstellingen",
Tijdschrift voor Onderwijsrecht en Onderwijsbeleid 2012-2013, juillet-août 2013, 27-36.
                                                                                      7

Si l’on veut modifier le champ d’application personnel, il s’indique
d’accroître la sécurité juridique3. Le législateur doit être conscient que
chaque définition engendre des risques et que d’autres critères peuvent
également être utilisés. C’est pourquoi la Commission invite le législateur
à mener une réflexion approfondie quant à son choix et à clairement
établir l’inventaire des conséquences qu’induit un tel choix. Par ailleurs,
le législateur doit s’inspirer de l’esprit de l’article 32 de la Constitution
qui part du principe d’un champ d’application aussi large que possible.




3 Dans la mesure où le législateur souhaite remplacer la notion “d’autorité
administrative”, il peut s’inspirer des textes suivants:
- la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière
   d’environnement. Cette loi utilise la notion « d’instance environnementale » que
   l’article 3, 1° définit comme :
    a) une personne morale ou un organe créé par ou en vertu de la Constitution,
       d'une loi, d'un décret ou d'une règle visée à l'article 134 de la Constitution;
    b) toute personne physique ou morale qui exerce des fonctions administratives
       publiques, y compris des tâches, activités ou services spécifiques en rapport
       avec l'environnement;
    c) toute personne physique ou morale ayant des responsabilités ou des fonctions
       publiques, ou fournissant des services publics, en rapport avec
       l'environnement, sous le contrôle d'un organe ou d'une personne visé(e) au
       point a) ou b).
       Les organes et institutions avec une compétence judiciaire ne tombent pas sous
       cette définition à moins qu'ils agissent avec une autre fonction que judiciaire.
       Les assemblées législatives et les institutions y attachées ne relèvent pas de
       cette définition, sauf si elles agissent en qualité administrative.
-   La Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents officiels, qui a déjà
    été signée par la Belgique, n’a pour le moment pas encore été ratifiée. Dans cette
    convention, on utilise la notion de “public authorities” qui contient ce qui suit :
    1. government and administration at national, regional and local level;
    2. legislative bodies and juridicial authorities in so far as they perform
       administrative functions according to national law;
    3. natural or legal persons in so far as they exercise administrative authority.
    De plus, la Convention permet qu’une partie à la Convention prévoie l’extension de
    cette définition à une ou plusieurs des institutions suivantes:
    1. legislative bodies as regards their other activities;
    2. juridicial authorities as regards their other activities;
    3. natural or legal persons in so far as they perform public functions or operate
       with public funds, according to national law.
                                                                          8

   2.2.1.3 Pas de copie exhaustive de la définition dans le décret du 26
           mars 2004

La définition de la notion “d’instance administrative” dans la proposition
de loi ne présente pas exactement de la même manière que celle donnée
à la notion “d’instance administrative” dans le décret du 26 mars 2004. Il
semble cependant que le contenu respecte l’intention des auteurs
lorsqu’ils précisent que “La présente proposition de loi reproduit cette
définition de l’instance administrative” (p. 6).

Le tableau ci-après montre clairement les divergences existant entre la
proposition de loi et le décret flamand:


Notion d’instance administrative Notion d’instance administrative
dans la proposition de loi       dans le décret du 26 mars 2004

a) une personne morale créée par ou    a) une personne morale créée par
en vertu de la Constitution, d’une     ou en vertu de la Constitution,
loi,   d’un   décret ou       d’une    d'une loi, d'un décret ou d'une
ordonnance;                            ordonnance;

b) une personne physique, un           b) une personne physique, un
groupement        de       personnes   groupement        de     personnes
physiques, une personne morale ou      physiques, une personne morale
un groupement de personnes             ou un groupement de personnes
morales dont le fonctionnement est     morales dont le fonctionnement
déterminé et contrôlé par une          est déterminé et contrôlé par a) ;
instance administrative visée au a);

c) une personne physique, un           c) une personne physique, un
groupement        de      personnes    groupement        de     personnes
physiques, une personne morale ou      physiques, une personne morale
un groupement de personnes             ou un groupement de personnes
morales, dans la mesure où ils ont     morales, dans la mesure où ils sont
été chargés par une instance           chargés     par    une      instance
administrative visée au a) d’exercer   administrative dans le sens de a),
une mission d’intérêt général ou       de l'exécution d'une tâche
pour autant qu’ils se consacrent à     d'intérêt général ou dans la mesure
une mission d’intérêt général et       où ils défendent une tâche
prennent des décisions liant des       d'intérêt général et prennent des
                                                                              9


tiers.                                   décisions liant des tiers.

Le pouvoir judiciaire et les             Le pouvoir judiciaire ne relève pas
juridictions administratives ne          de cette définition, sauf s'il agit en
relèvent pas de la définition visée à    qualité autre que la qualité
l’alinéa 1er, 4°, sauf lorsqu’ils        judiciaire.
agissent en une autre qualité que la
qualité judiciaire.
Les Chambres législatives et les         Les assemblées législatives et les
institutions qui y sont liées ne         institutions y attachées ne relèvent
relèvent pas de cette définition, sauf   pas de cette définition, sauf en ce
en ce qui concerne les matières          qui concerne les matières relatives
relatives aux marchés publics et aux     aux marchés publics et aux
membres du personnel de leurs            membres du personnel de leurs
services.                                services.
Le pouvoir exécutif ne relève pas        Le pouvoir exécutif n'en relève pas
non plus de cette définition dans la     non plus dans la mesure où il agit
mesure où il agit en qualité             en qualité judiciaire.
judiciaire.

En recourant à la notion “d’instance administrative”, telle que définie
dans le décret du 26 mars 2004, un certain nombre d’institutions sont
partiellement exclues du champ d’application. C’est le cas du pouvoir
législatif, du pouvoir judiciaire et des juridictions administratives.

La Commission constate que les auteurs de la proposition de loi excluent
de la définition tant les “juridictions administratives” que le « pouvoir
exécutif dans la mesure où il agit en qualité judiciaire ». Par « le pouvoir
judiciaire dans la mesure où il agit en qualité judiciaire », le législateur
décrétal flamand entendait en réalité « les juridictions administratives ».
La Commission estime que l’exclusion de la notion de « juridictions
administratives » peut être maintenue et que le renvoi au pouvoir
exécutif qui agit en qualité judiciaire peut être supprimé.

En ce qui concerne les juridictions administratives, la Commission tient
à souligner que consécutivement à l’entrée en vigueur du décret flamand
du 9 juillet 2010 relatif à l’organisation des archives administratives, les
juridictions administratives flamandes tombent aussi et entièrement sous
le champ d’application de ces mêmes règles de publicité (voir les articles
4, 1°, et 13, §1er du décret du 9 juillet 2010). Cet aspect doit aussi être
                                                                            10

pris en compte lors du choix de la notion qui joue un rôle central dans le
cadre de la définition du champ d’application personnel.

En ce qui concerne le pouvoir législatif et les institutions y attachées, il y
a lieu de signaler que ceux-ci ne sont considérés comme une instance
administrative que dans la mesure où il s’agit d’activités relatives aux
marchés publics et aux membres du personnel de leurs services.

Afin de satisfaire à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, le
législateur a placé certains actes des organes de l’Etat qui ne sont pas des
autorités administratives, sous le contrôle de légalité du Conseil d’Etat.
Le législateur a d’ailleurs récemment apporté des modifications dont il
n’a pas été tenu compte dans cette proposition. Ces actes se limitaient
initialement à ceux qui concernaient les marchés publics ou leur
personnel. Après que la Commission (avis n° 2011/310 ; avis n° 2011-313)
et la Cour constitutionnelle (notamment l’arrêt 2011-161) aient attiré
l’attention sur des lacunes dans la protection juridique, le type d’actes
couverts a été récemment élargi.

L’actuel article 14, §1er des lois sur le Conseil d’Etat s’énonce comme suit:

            « Si le contentieux n'est pas attribué par la loi à une autre
            juridiction, la section statue par voie d’arrêts sur les recours
            en annulation pour violation des formes soit substantielles,
            soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de
            pouvoir, formés contre les actes et règlements :
            1° des diverses autorités administratives;
            2° des assemblées législatives ou de leurs organes, en ce
            compris les médiateurs institués auprès de ces assemblées, de
            la Cour des comptes et de la Cour constitutionnelle, du
            Conseil d’État et des juridictions administratives ainsi que des
            organes du pouvoir judiciaire et du Conseil supérieur de la
            Justice, relatifs aux marchés publics, aux membres de leur
            personnel, ainsi qu'au recrutement, à la désignation, à la
            nomination dans une fonction publique ou aux mesures ayant
            un caractère disciplinaire.
            Les irrégularités visées à l'alinéa 1er ne donnent lieu à une
            annulation que si elles ont été susceptibles d'exercer, en
            l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise, ont
            privé les intéressés d'une garantie ou ont pour effet d'affecter
                                                                           11

           la compétence de l'auteur de l'acte.
           L’article 159 de la Constitution s’applique également aux actes
           et règlements visés à l'alinéa 1er, 2° ».

L’extension du champ d’application à l’égard des actes des autorités non
administratives n’est plus seulement limitée aux actes posés en matière de
marchés publics et les membres de leur personnel, mais s’étend à tous les
actes posés en matière de recrutement, de désignation, de nomination
dans une fonction publique ou de mesures ayant un caractère
disciplinaire. Il appartiendra à la Cour constitutionnelle de juger si le
législateur a ainsi suffisamment satisfait à ses préoccupations.

Les auteurs de la proposition de loi en ont en tout cas insuffisamment
tenu compte.

Indépendamment du fait que l’exclusion de certaines institutions du
champ d’application est formulée de manière trop vaste, la Commission
souhaite attirer l’attention sur le fait que la formulation en est
législativement problématique. Soit les institutions sont exclues du
champ d’application personnel dans la disposition décrivant le champ
d’application soit l’exclusion se fait par le biais de la définition de la
notion et cette exclusion doit figurer dans la définition de la notion
même et non dans un paragraphe distinct qui est séparé des définitions.
La manière dont l’exclusion est décrite dans la proposition de loi peut
engendrer des problèmes d’interprétation qui portent atteinte à la
sécurité juridique.

   2.2.2   La définition du champ d’application personnel

Cette proposition opte non seulement pour l’insertion d’une nouvelle
notion visant à délimiter le champ d’application personnel mais en plus,
le champ d’application personnel est décrit autrement que dans le texte
existant:

           “La présente loi s’applique aux instances suivantes:
           1° les Chambres législatives et les institutions qui y sont liées;
           2° les services, institutions et personnes morales qui relèvent
           de l’État fédéral;
           3° les instances autre que les instances fédérales, mais
           uniquement dans la mesure où, pour des motifs relevant des
                                                                        12

          compétences fédérales, la présente loi interdit ou limite la
          publicité de documents administratifs.”

La Commission souhaite tout d’abord signaler que les auteurs de la
proposition de loi utilisent, au 3°, une notion qui n’a jamais été définie
auparavant, à savoir la notion «d’instances ». Il semble logique
d’également utiliser la notion « d’instance administrative » dans ce cas.

La Commission doute que la définition proposée ait pour conséquence
que les institutions qui ne tombent pas sous le champ d’application de la
loi fédérale en matière de publicité tombent bien sous le champ de la loi
modifiée. La Commission attire particulièrement l’attention sur les zones
de police pluricommunales et leurs organes ainsi que sur les futures zones
de secours pluricommunales et leurs organes. Si l’intention des auteurs
est en outre de faire de la loi du 11 avril 1994 la seule loi générale en
matière de publicité, il y a lieu de recommander l’abrogation de la loi du
12 novembre 1997 et de veiller à ce que les compétences organiques
relatives aux communes et aux provinces, qui sont explicitement restées
fédérales (police, services d’incendie, état civil, …), tombent également
sous le champ d’application de la loi du 11 avril 1994.

       2.3 L’ajout problématique d’un nouveau motif d’exception à
           l’article 6, § 2, 4° de la loi du 11 avril 1994

La Commission remarque l’ajout problématique fait à l’article 6, §2, d’un
4° par la loi du 4 février 2010 relative aux méthodes de recueil des
données par les services de renseignement et de sécurité (M.B. du 10
mars 2010). L’article 6, §2, 4° dispose ce qui suit :

          “L'autorité administrative fédérale ou non fédérale rejette la
          demande de consultation, d'explication ou de communication
          sous forme de copie d'un document administratif qui lui est
          adressée en application de la présente loi si la publication du
          document administratif porte atteinte aux intérêts visés à
          l'article 3 de la loi du 11 décembre 1998 relative à la
          classification, aux habilitations, attestations et avis de
          sécurité.”

Cette disposition est particulièrement problématique et ce, pour diverses
raisons. Premièrement, cette disposition se réfère “aux intérêts” visés à
                                                                            13

l’article 3 de la loi du 11 décembre 1998 relative à la classification, aux
habilitations, attestations et avis de sécurité sans mettre celle-ci en
relation avec la classification des documents. Il est en outre également
fait référence à un certain nombre d’intérêts qui sont déjà protégés par
l’article 6, §1er. Certains intérêts sont donc protégés deux fois, que ce soit
en d’autres termes et sous d’autres conditions : dans l’article 6, §1er, il
s’agit de motifs d’exception relatifs de sorte qu’il y a lieu de procéder à
une mise en balance des intérêts avec l’intérêt général qui est servi par la
publicité tandis que ce n’est pas le cas pour les motifs d’exception de
l’article 6, § 2, où l’on peut suffisamment constater que la publicité porte
atteinte aux fondements qui y sont repris. Une telle formulation peut
engendrer des problèmes d’interprétation considérables. La Commission
tient d’ailleurs à souligner que l’existence de motifs d’exception absolus
va à l’encontre de l’esprit de l’article 32 de la Constitution. Le législateur
constitutionnel estimait en effet que seuls des motifs d’exception relatifs
sont possibles pour tenir suffisamment compte du droit fondamental :

           « Les motifs d’exception sont relatifs. Cela implique que
           l’intérêt de la publication doit chaque fois contrebalancer
           concrètement l’intérêt qui est protégé par un motif
           d’exception. » (Note explicative à la Proposition du
           Gouvernement visant à insérer un article 24ter dans la
           Constitution relatif à la publicité de l’administration, Doc.
           parlementaires Chambre, 1992-1993, n° 839/1, 5).

   2.4 La possibilité de demander des documents par la voie électronique

La Commission constate que les développements de la proposition de loi
et l’article y afférent ne concordent pas à 100%. Dans les
développements, il est stipulé ce qui suit :

           « La procédure est adaptée au XXIe siècle. Les demandes
           peuvent être introduites par la voie électronique (e-mail,
           formulaire web,…), par courrier ou par fax. Par le passé, la
           Commission d’accès aux documents administratifs jugeait que
           ni le fax ni l’email n’étaient appropriés.
           Les documents électroniques sont, sur demande, mis à
           disposition par la voie électronique. La demande d’une
           rétribution n’est pas une obligation. La rétribution ne peut en
           aucun cas excéder le prix coûtant et doit viser à prévenir les
                                                                            14

           abus. Le calcul du prix coûtant se base sur les frais de port et le
           coût du support (papier, cédérom, …). Le montant doit être
           raisonnable afin de ne pas entraver le bon fonctionnement
           rapide de la publicité. » (p. 4-5)

Sur la base de cette argumentation, les changements suivants sont
apportés à la loi du 11 avril 1994. Premièrement, la notion de « demande
écrite » est définie comme suit : « une demande introduite par lettre, par
fax, par voie électronique ou remise en mains propres. »

La Commission constate que les auteurs ont, à cette fin, cherché leur
inspiration dans l’article 17 du décret du 26 mars 2004. La Commission
suggère de plutôt s’inspirer de l’article 3, 3° de la loi du 5 août 2006 dans
lequel la notion de “par écrit” est définie comme suit : « par courrier, par
fax, par e-mail ou par formulaire sur le web ». De cette manière, la notion
de « par écrit » qui ne s’applique pas seulement à la demande mais
également au recours qui peut éventuellement être introduit, reçoit une
large portée. La Commission se réjouit à l’idée de réaliser un accès aussi
extensif que possible au droit d’accès aux documents administratifs et
n’entend imposer aucun frein inutile.

La Commission souhaite toutefois attirer l’attention des auteurs de la
proposition de loi sur le fait que cela est assez inattendu. En effet, il y a
entre-temps eu une évolution dans la pratique. L’arrêté royal du 17 août
2007 fixant le montant de la rétribution due pour la réception d'une
copie d'un document administratif ou d'un document qui contient des
informations environnementales a abrogé l’arrêté royal du 30 août 1996
fixant le montant de la rétribution due pour la réception d'une copie d'un
document administratif. Ce n’est pas la loi du 11 avril 1994 mais bien ce
dernier arrêté royal qui donnait une interprétation limitée à la notion de
“par écrit”. En raison de l’abrogation de cet arrêté royal, il ne subsistait
aucun fondement pour conserver une interprétation restrictive. Depuis
l’entrée en vigueur de l’arrêté royal du 17 août 2007, la Commission a
déjà jugé qu’il y a lieu de donner une portée plus large à la notion de “par
écrit”, en ce compris “par la voie électronique”.

De plus, les auteurs de la proposition de loi introduisent une définition
de “copie” qui inclut une copie sur papier ou sur support électronique. La
Commission ne voit pas directement la nécessité d’introduire une telle
définition. La manière dont la définition est formulée pourrait même
                                                                           15

avoir pour conséquence que le demandeur peut toujours exiger une copie
sur support électronique même si le document administratif existant
n’existe que sous format papier. Il n’est pas possible à quiconque tombant
sous le champ d’application de la loi du 11 avril 1994 de facilement
fournir des versions électroniques de versions papier. Il faut en effet
veiller à ce qu’aucun frais supplémentaire ne soit imposé aux différentes
administrations.

La Commission fait remarquer que le développement consacré au prix ne
trouve aucun appui dans le texte existant de la loi ni dans la version
modifiée du texte de la loi. Il appartient en effet au Roi de régler la
rétribution. Afin de limiter la possibilité pour le Roi de fixer les
rétributions, il est indiqué d’adapter l’article 12 existant de la loi du 11
avril 1994. L’article 19, §2 de la loi du 5 août 2006 peut être source
d’inspiration lorsqu’il énonce :

           “La     réception    d'une    copie     d'une      information
           environnementale peut être soumise au paiement d'une
           rétribution dont le montant est fixé par le Roi et qui ne peut
           excéder le prix coûtants.”

Il est préférable de laisser au Roi le soin de la mise en œuvre concrète de
cet aspect. L’arrêté royal existant va plus loin que ce qui est envisagé dans
la proposition de loi : les copies qui sont envoyées par la voie
électronique sont toujours gratuites (article 7 de l’arrêté royal du 17 août
2007). Dans ce domaine, il a déjà été résolument opté pour la société de
l’information électronique et il n’est pas souhaitable que le législateur
fasse un pas en arrière.

   2.5 Les délais

Les auteurs de la proposition de loi visent à introduire des délais de
décision et d’exécution plus stricts. Ils avancent en effet ce qui suit:

           « Des délais de décision et d’exécution plus stricts doivent
           rendre le droit à la publicité passive de l’administration plus
           effectif et plus efficace pour tous les intéressés. Le demandeur
           reçoit les documents ou une réponse dans un délai de 15 jours,
           qui peut exceptionnellement être porté à 30 jours.
                                                                            16

           Actuellement, l’administration dispose, en application de la
           législation fédérale sur la publicité, d’un délai de 30 jours qui
           peut être prolongé encore une fois de 15 jours, pour informer
           le demandeur du motif du rejet. Dans le cas d’une procédure
           de reconsidération, l’autorité administrative dispose d’un délai
           supplémentaire de 45 jours pour communiquer sa décision
           d’acceptation ou de rejet au demandeur. En raison de ces longs
           délais ou temps d’attente, la législation fédérale sur la publicité
           ne répond pas entièrement au besoin parfois urgent
           d’associations, de citoyens et surtout aussi de médias et de
           journalistes de consulter certains documents administratifs ou
           d’en obtenir une copie. Par analogie avec le décret flamand sur
           la publicité, une décision doit en principe être prise dans les
           15 jours. Un délai d’exécution est également prévu. Par le
           passé, le Conseil d’État a jugé en effet qu’une décision ne
           devait pas être exécutée immédiatement3. La pratique en
           matière d’avis de la Commission d’accès aux documents
           administratifs fait également apparaître que l’exécution ne
           doit pas avoir lieu immédiatement4, avec tous les problèmes
           pratiques relatifs à l’effectivité de ce droit fondamental que
           cela suppose. »

   2.5.1   Le délai dans lequel la décision doit être notifiée

La Commission souhaite attirer l’attention sur le fait que l’introduction
d’une uniformité avec le décret du 26 mars 2004 en ce qui concerne les
délais ne tient pas suffisamment compte des différences existant entre ce
dernier décret et la loi du 11 avril 1994.

Tout d’abord, la loi du 11 avril 1994 ne contient aucun délai de décision
mais un délai dans lequel la décision doit être notifiée. Cela a pour
conséquence que le délai pour prendre une décision est beaucoup plus
court que le délai de trente jours. De plus, le délai prend cours à la
réception de la demande, alors que dans le décret du 26 mars 2004, il ne
prend cours qu’au moment de l’enregistrement de la demande dans un
registre spécifiquement prévu à cette fin. Ces différences avec le décret
du 26 mars 2004 ont pour conséquence que les délais effectifs divergent
bien plus que ce n’est de la différence entre 15 jours dans le décret et 30
jours dans la loi. La question est de savoir s’il est opportun d’utiliser un
                                                                           17

délai encore plus court que celui fixé dans le décret flamand du 26 mars
2004.

La Commission constate que le délai de correction ou de complément des
informations dans un document administratif qui portent sur le
demandeur, a été réduit de moitié. La Commission trouve toutefois
curieux qu’à l’égard de cette disposition on utilise néanmoins un double
délai par rapport à ce qui est le cas pour donner accès aux documents
administratifs. Etant donné que la charge de la preuve appartient au
demandeur et que cette disposition est de nature supplétive, la
Commission ne voit pas pourquoi un double délai devrait s’appliquer à
l’égard de la correction ou du complément d’un document administratif.

   2.5.2   L’introduction d’un délai d’exécution

Bien que dans les développements de la proposition de loi (p. 5) il soit fait
mention d’un délai d’exécution, on ne retrouve pas une telle proposition
de modification dans la proposition de loi.

Même si cela était le cas, la question se poserait alors de savoir si son
introduction modifiera fortement la pratique existante. Du fait qu’aucun
délai d’exécution n’a été fixé, la règle selon laquelle il faut également
donner exécution à la décision de publicité dans les meilleurs délais
s’applique. L’introduction d’un délai d’exécution peut avoir pour
conséquence que l’exécution de fait aura lieu plus tard ce que ce qui est
actuellement le cas.

Bien que les auteurs de la proposition de loi avancent à juste titre que
dans le chef du demandeur, il existe parfois un besoin urgent d’avoir
accès à un document administratif, certainement lorsque celui-ci est
nécessaire dans le cadre de la protection d’autres droits, imposer un délai
d’exécution général n’est toutefois pas la solution à ce problème. Afin de
répondre à cette préoccupation, le législateur peut choisir d’associer la
garantie d’autres droits à l’obtention dans le respect des délais de certains
documents administratifs. Le législateur décrétal flamand n’a proposé
aucune solution à ce problème.
                                                                         18

   2.5.3   L’introduction d’un délai de recours pour l’introduction d’un
           recours administratif (article 12, alinéa 2 de la proposition de
           loi)

La Commission constate que les auteurs de la proposition de loi imposent
aussi, sans aucune motivation précise, un délai dans lequel le recours
administratif doit être introduit. Un tel délai fait actuellement défaut
dans la loi du 11 avril 1994. La Commission a la conviction qu’un délai
d’introduction du recours est souhaitable. Elle estime toutefois que ce
délai est trop court. Précédemment, le législateur fédéral avait déjà opté
pour l’introduction, dans la loi du 5 août 2006, d’un délai raisonnable qui
correspond au délai d’introduction d’un recours en annulation auprès du
Conseil d’Etat, à savoir soixante jours.

   2.6 Les droits intellectuels (article 8 de la proposition de loi)

   2.6.1   Remarques relatives à la relation entre le droit d’auteur et la
           publicité de l’administration

Le législateur s’est limité à la rédaction d’un règlement pour le droit
d’auteur dans le cadre du droit d’accès aux documents administratifs tel
que prévu dans la loi du 11 avril 1994.

Dans son avis 96/7 du 22 mars 1996, la Commission a déjà analysé la
problématique de manière détaillée :

           « Le projet initial du gouvernement prévoyait une exception
           au droit d’auteur, dans ce sens que pour la publicité d’une
           œuvre protégée par les droits d’auteur dans le cadre de la
           publicité passive de l’administration, le consentement de
           l’auteur n’était pas requis.

           Le Conseil d’état a formulé la remarque suivante à l’égard de
           ce projet d’article “on ne peut nier qu’il y a une tension entre
           le droit à la publicité de l’administration et les conséquences
           liées à la protection du droit d’auteur, tout au moins
           lorsqu’une personne autre que l’autorité à laquelle la demande
           de publicité est adressée est le titulaire ou le détenteur
           contractuel du droit d’auteur ».
                                                                 19

Afin de diminuer au maximum cette tension, le Conseil d’Etat
a proposé d’adapter le projet d’article 9 (Avis du Conseil
d’Etat, 18 février 1994, Doc., Chambre, 1112/1-92/93, 40-41 et
67). Le gouvernement et le législateur ont repris cette
proposition de texte dans la version finale de l’article 9 de la
loi du 11 avril 1994.

Il est évident que l’intention du législateur était de respecter le
droit d’auteur en ce qui concerne la communication sous
forme de copie, “tout au moins lorsqu’une personne autre que
l’autorité à laquelle la demande de publicité est adressée est le
titulaire ou le détenteur contractuel du droit d’auteur” (Avis
Conseil d’Etat, 18 février 1994, Doc. Chambre, 1112/1, 92/93,
40-41). La raison sous-jacente est que l’autorité qui impose les
obligations en matière de publicité à son administration doit
par ailleurs respecter les droits d’auteur de tiers.

Interpréter et appliquer l’article 9 de la loi du 11 avril 1994 en
ce sens qu’il appartient à une autorité administrative de
refuser la communication sous forme de copie simplement
parce que le document administratif concerné est protégé par
le droit d’auteur et que celui-ci est détenu par l’administration
concernée (ou par ses fonctionnaires), reviendrait à éroder la
loi du 11 avril 1994. En effet, de nombreux documents
administratifs, tels que les courriers, notes de service, et autres
peuvent être considérés comme des œuvres protégées par le
droit d’auteur dans le sens de la loi du 30 juin 1994 relative au
droit d’auteur et aux droits voisins. Dans ces cas-là, invoquer
l’article 9 de la loi du 11 avril 1994 aurait pour conséquence
que l’article 32 de la Constitution et la loi du 11 avril 1994
relative à la publicité de l’administration deviendraient en
grande partie inapplicables.
C’est pourquoi l’article 9 ne peut être considéré applicable
qu’à l’égard de documents administratifs dans lesquels est
repris une œuvre protégée par les droits d’auteur dont le droit
d’auteur n’est pas détenu par l’autorité administrative ou par
ses fonctionnaires mais par des tiers. Ce n’est que dans ces cas-
là que l’autorité administrative peut procéder à la
reproduction d’un document administratif/d’une œuvre
protégée par le droit d’auteur, après que le tiers/l’ayant-droit
                                                                             20

           d’auteur a donné son autorisation. Soit dit en passant, il est
           recommandé que l’administration fasse figurer dans les
           dispositions contractuelles en la matière une clause par
           laquelle l’auteur/l’ayant-droit d’auteur abandonne d’ailleurs
           son droit de reproduction pour autant que cela entre dans le
           cadre de l’article 4 de la loi du 11 avril 1994.
           L’autorité administrative qui détient elle-même les droits
           d’auteur sur un document administratif ne peut pas invoquer
           le droit d’auteur pour refuser la communication sous forme de
           copie comme reproduction au risque de vider en grande partie
           la loi du 11 avril 1994 de son sens. »

Bien que le point de vue développé par la Commission a jusqu’à ce jour
été suivi, il est souhaitable d’explicitement consolider dans la loi cette
interprétation en ce qui concerne les documents administratifs qui
contiennent une œuvre d’auteur et dont le droit d’auteur est détenu par
l’autorité ou par ses fonctionnaires. La Commission insiste sur la
nécessité d’un règlement par la voie législative pour le transfert des droits
patrimoniaux du droit d’auteur des fonctionnaires. La compétence du Roi
est en effet limitée sur ce plan. Un règlement par voie d’arrêté royal
aurait pour conséquence qu’un certain nombre de catégories de
personnes ne seraient pas concernées par ce transfert des droits
patrimoniaux.

La Commission a toujours estimé que le règlement dans la loi du 11 avril
1994 en ce qui concerne le rapport entre cette loi et la loi du 30 juin 1994
relative au droit d’auteur et aux droits voisins, est trop restrictif à l’égard
du droit fondamental visé à l’article 32 de la Constitution.

   2.6.2   L’extension à tous les droits intellectuels

Les auteurs de la proposition de loi envisagent de supprimer l’actuel
article 9 de la loi du 11 avril 1994 et à le remplacer par un nouvel article
6/1 s’énonçant comme suit :

           « Art. 6/1. Lorsque la demande de publicité porte sur un
           document administratif d’une instance administrative fédérale
           incluant une œuvre protégée par un droit intellectuel,
           l’autorisation de l’auteur ou de la personne à laquelle les droits
           de celui-ci ont été transmis n’est pas requise pour autoriser la
                                                                           21

           consultation sur place ou la consultation électronique du
           document, ou pour fournir des explications à son propos.
           En cas de demande de communication sous forme de copie
           d’une œuvre protégée, l’intérêt d’une autorisation préalable de
           l’auteur ou de la personne à laquelle les droits de celui-ci ont
           été transmis est mis en balance avec l’intérêt de la publicité.
           Dans tous les cas, l’instance administrative spécifie que
           l’œuvre est protégée. »

La Commission peut avaliser l’objectif des auteurs de la proposition de loi
de régler le rapport entre les droits intellectuels et la publicité de
l’administration en général. Elle a toutefois des questions quant à la
manière dont cet objectif est traduit dans la proposition de loi.

Les auteurs de la proposition de loi affirment en effet à tort que les droits
intellectuels constituent une exception à la publicité de l’administration
(p. 5). La Commission souhaite attirer l’attention sur le fait que cela n’est
le cas ni dans le texte actuel ni dans le texte nouvellement proposé. Cette
disposition constitue seulement une restriction à la manière dont le droit
d’accès peut s’exercer. Elle garantit en effet que le droit d’accès par
consultation ou par explication peut toujours être exercé.

La Commission confirme le point de vue selon lequel dans la loi actuelle,
la relation entre le droit d’auteur et l’obtention d’une copie d’un
document administratif contenant une œuvre est aujourd’hui
insuffisamment nuancée et que cette restriction du mode d’exécution du
droit d’accès devrait revêtir un caractère relatif, impliquant qu’il faudrait
examiner si l’intérêt servi par la publicité sous la forme d’une copie ne
l’emporte pas sur l’intérêt de l’ayant-droit d’auteur de devoir donner son
accord.

La Commission constate que les auteurs de la proposition de loi se sont
inspirés de l’article 30 de la loi du 5 août 2006 qui s’énonce comme suit :

           « Lorsque    la demande porte sur une information
           environnementale protégée par le droit d'auteur, l'autorisation
           de l'auteur ou de la personne à laquelle les droits de celui-ci
           ont été transmis n'est pas requise pour autoriser la
           consultation sur place du document ou pour fournir des
           explications à son propos.
                                                                            22

           Lorsque la demande porte sur la communication sous forme de
           copie d'une information environnementale protégée par le
           droit d'auteur, l'autorisation de l'auteur ou de la personne à
           qui ces droits ont été transmis est requise conformément à la
           loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits
           voisins. Dans chaque cas particulier, l'intérêt public servi par
           la divulgation est mis en balance avec l'intérêt spécifique servi
           par le refus de divulguer. »

La Commission souhaite faire remarquer que cette loi a également limité
le règlement de la relation entre la publicité de l’administration et les
droits intellectuels à un règlement relatif au droit d’auteur et aux droits
voisins.

Là où l’objet de la protection par droits d’auteur porte sur une “œuvre”,
ce terme ne peut pas être utilisé à l’égard des autres droits intellectuels.
Dans cette mesure, il conviendrait de déjà adapter la formulation avancée
dans la proposition de loi.

En outre, la disposition à l’article 30 de la loi du 5 août 2006 se réfère
explicitement à l’application de la loi du 30 juin 1994, de sorte que cette
loi, en ce compris les exceptions qui y figurent, doit être prise en compte.
L’élargissement envisagé dans la proposition de loi ne comprend aucun
renvoi spécifique, de sorte que l’on ne sait pas clairement si les
exceptions qui s’appliquent à l’égard des différents droits intellectuels
seront bien prises en compte.

Les auteurs de la proposition de loi ne sont en outre pas suffisamment
attentifs aux conséquences de la diversité des différents droits
intellectuels bien qu’ils aient conscience de la diversité de ces droits. Cela
ressort d’ailleurs des développements :

           « Par droits de propriété intellectuelle, on entend les régimes
           de protection légaux que sont le droit d’auteur, les droits
           voisins, les programmes informatiques, les banques de
           données, les brevets, les marques, les dessins et les modèles, les
           topographies de semi-conducteurs (circuits intégrés), les
           obtentions végétales, les indications géographiques et les
           appellations d’origine. » (p. 7-8)
                                                                          23

Pour certains droits intellectuels, il n’y a en effet aucune raison de
s’opposer à la remise d’une copie. Seule l’utilisation du droit intellectuel
n’est possible que sous certaines conditions fixées par la législation.

       2.7. Une procédure de recours administratif révisée

Les auteurs de la proposition de la loi affirment explicitement :

           « Une instance de recours indépendante6 est créée sur la base
           du modèle flamand. À l’heure actuelle, il est uniquement
           possible d’introduire un recours au sein du même
           département. S’il est vrai que le Conseil d’État peut annuler
           une décision, force est de constater qu’une telle annulation ne
           résout pas grand-chose en pratique et qu’elle suppose en outre
           la mise en œuvre d’une procédure très longue » (p. 6)

La Commission souhaite attirer l’attention sur le fait que la situation
actuelle est plus nuancée que ce qu’avancent les auteurs de la
proposition. Sur la base de l’article 8, § 2 de la loi du 11 avril 1994, le
recours administratif comporte deux étapes, à savoir une demande de
reconsidération auprès de l’administration et une demande d’avis auprès
de la Commission. Cette obligation de simultanéité constitue un obstacle
procédural pour de nombreux citoyens et ralentit également la
procédure. Dans ses rapports annuels, la Commission a déjà, à plusieurs
reprises, insisté sur la nécessité d’au moins simplifier cette double étape.
Cela n’est possible qu’en faisant démarcher le demandeur auprès de la
Commission, à charge pour celle-ci d’informer l’administration que le
recours administratif a été introduit. Dans ce cadre, la procédure du
décret du Parlement de la Communauté française du 22 décembre 1994
relatif à la publicité de l’administration peut servir d’inspiration. Il n’y
aurait dès lors plus de problème en ce qui concerne la date de début de la
procédure qui coïnciderait alors avec la date de réception de la demande
d’avis.

L’avis de la Commission n’est pas sans influence car il engendre un
alourdissement de l’obligation de motivation si l’administration entend
déroger au point de vue exprimé par la Commission dans l’avis. Cela
n’ôte rien au fait qu’une administration qui refuse la publicité à
l’encontre de la loi peut difficilement être sanctionnée pour autant. Une
annulation par le Conseil d’Etat a en effet pour conséquence que
                                                                           24

l’administration doit prendre une nouvelle décision mais ne peut pas être
contrainte à divulguer un document administratif même si ce refus se fait
à tort.

Comme la Commission l’a déjà souligné à maintes reprises dans ses
rapports annuels, rien ne s’oppose à ce qu’elle soit érigée en organe de
recours. C’est une possibilité à considérer outre la simplification de la
procédure existante que cela pourrait impliquer. La Commission estime,
dans l’’hypothèse où elle serait appelée à être remaniée, devoir être
revêtue de la dénomination de “Commission fédérale pour l’accès aux
documents administratifs” afin de se distinguer de manière claire des
instances de recours régionales. Il est en outre souhaitable que, pour
souligner son indépendance, la Commission fédérale de recours soit
présidée par un magistrat et de préférence par un conseiller d’état.
L’expérience de la Commission fédérale de recours pour l’accès aux
informations environnementales montre qu’être familiarisé avec les
questions administratives mais également les questions juridiques en
général, emporte une plus-value pour le fonctionnement de l’instance.
Elle est en effet confrontée à des demandes de publicité dans de
nombreux domaines. De plus, la nomination d’un membre du Conseil
d’Etat à la fonction de président accentue l’indépendance de la
Commission.

Il est en effet souhaitable que la Commission existante soit, dans cette
seconde option, constituée en organe de recours et qu’aucun nouvel
organe ne soit créé. La Commission existante a en effet acquis une vaste
expérience en la matière et le traitement des recours se nourrira
directement d’une expertise que la Commission a progressivement
acquise pendant vingt ans. La manière dont la Commission sera
composée tant de membres externes que de fonctionnaires garantira en
outre un transfert optimal de connaissances et d’expérience et ce, dans
tous les aspects de la publicité de l’administration. De plus, tant le
président que le secrétaire sont membres de la Commission fédérale de
recours pour l’accès aux informations environnementales en manière
telle que l’expérience acquise en matière de prise de décisions
administratives soit assurée. Par ailleurs, la continuité sera aussi garantie
de manière optimale.
                                                                           25

   2.6.3   L’objet du recours administratif (article 12, alinéa premier de
           la proposition de loi)

La Commission constate que la formulation actuelle des compétences de
la Commission est plus large que ce qui est repris dans la proposition de
loi. Les auteurs de la proposition de loi se sont en effet fortement inspirés
du décret du 26 mars 2004 alors que la loi fédérale existante offre parfois
plus de garanties pour le citoyen. L’article 8, § 2 existant de la loi du 11
avril 1994 dispose que lorsqu’un demandeur rencontre des difficultés
pour obtenir la consultation ou la correction d’un document
administratif sur la base de cette loi, il peut introduire un recours. Dans
la proposition, cela n’est possible que lorsque l’administration est
récalcitrante. La Commission ne voit cependant aucune raison
d’introduire une formulation plus restrictive dans ce cas.

On peut éventuellement chercher l’inspiration à l’article 35 de la loi du 5
août 2006 qui dispose ce qui suit :

           « Le demandeur peut former un recours auprès de la
           Commission fédérale de recours pour l'accès aux informations
           environnementales contre une décision d'une instance
           environnementale visée à l'article 4, § 1er, si le délai imparti
           pour prendre la décision est venue à expiration ou, en cas de
           refus d'exécution ou d'exécution incorrecte d'une décision, ou
           en raison de toute autre difficulté qu'il rencontre dans
           l'exercice des droits que confère la présente loi. »

   2.6.4   La compétence d’avis de l’organe de recours (article 12 de la
           proposition de loi)

La Commission souhaite que les compétences de la Commission pour
formuler des avis sur l’interprétation de la législation en matière de
publicité soient maintenues comme c’est le cas pour la Commission
fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales.
Cela permet, indépendamment de toute situation conflictuelle, de faire
appel à cette Commission pour l’interprétation générale de la loi et lui
donne ainsi la possibilité de jouer un rôle d’appui aux administrations. Il
s’indique également de maintenir voire de renforcer le rôle existant de la
Commission de formuler des avis de sa propre initiative, comme la
Commission l’a, à plusieurs reprises, avancé dans ses rapports annuels :
                                                                           26

             « La Commission constate que des initiatives législatives
            concernant l'accès aux documents administratifs ou ayant
            une influence sur celui-ci et ne tenant pas suffisamment
            compte du cadre légal existant sont parfois prises, ce qui ne
            profite pas toujours à la sécurité juridique. La Commission
            recommande que, lors de la préparation de nouvelles règles,
            le législateur utilise la possibilité de demander l'avis de la
            Commission en la matière. Le législateur a en effet créé la
            Commission pour aider à garantir la cohérence et
            l'interprétation de la législation en matière de publicité. »
            (voir par exemple le Rapport annuel 2011, pp. 25-26)

A titre d’exemple d’une disposition qu’il aurait pu être intéressant de
soumettre à l’avis de la Commission, on citera l’article 65/10 de la loi du
24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de
travaux, de fourniture et de services, tel que modifié par la loi du 23
décembre 2009 (M.B. du 28 décembre 2009). L’imprécision de la
formulation et la confusion entre la publicité et le droit d’information
spécifique pour les soumissionnaires engendrent de nombreux problèmes
d’interprétation et d’application. Cette disposition est entrée en vigueur
le 25 février 2010 (article 76 de l’arrêté royal du 10 février 2010
modifiant certains arrêtés royaux exécutant la loi du 24 décembre 1993
relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de
fournitures et de services (M.B. du 16 février 2010). L’article 10 de la loi
du 17 juin 2013 relative à la motivation, à l’information et aux voies de
recours en matière de marchés publics et de certains marchés de travaux,
de fournitures et de services (M.B. du 21 juin 2013) qui a abrogé le
précédent règlement mais qui a simplement repris l’article précité et est
entré en vigueur le 1er juillet 2013, en est une autre illustration.

   2.6.5   Le délai dans lequel le recours doit être traité (article 14 de la
           proposition de loi)

Les auteurs de la proposition de loi proposent des délais relativement
stricts dans lesquels l’organe de recours doit prendre sa décision et ne
prévoient une possibilité de prolongation de quinze jours que dans des
conditions strictes.

La pratique de la Commission fédérale de recours pour l’accès aux
informations environnementales nous apprend toutefois que ces délais ne
                                                                           27

sont pas souvent concluants et que cet organe de recours ne réussit pas
nécessairement à prendre sa décision dans ce délai. La raison de cette
impossibilité n’est pas, en général, liée au fonctionnement de l’organe
mais bien plutôt au fait que pas mal de temps s’écoule avant que l’organe
de recours soit en possession des documents sur lesquels il doit se
prononcer. Comme cette Commission l’a déjà signalé dans l’une des
observations formulées dans ses rapports annuels 2011, 2012 et 2013, il
arrive même que malgré l’obligation figurant dans la loi du 5 août 2006
de mettre les documents demandés à la disposition de la Commission, les
administrations refusent de les lui fournir en sorte que la Commission se
trouve dans l’impossibilité de prendre une décision, ce qui est de nature à
engendrer une certaine frustration dans le chef des personnes qui
introduisent un recours administratif.

Les auteurs de la proposition de loi reprennent la même obligation à
charge des administrations (article 15 de la proposition de loi) mais ne
fixent aucun délai dans lequel les documents devraient être transmis à
l’organe de recours et ne déterminent aucun mécanisme de sanction en
vue de forcer la communication des documents utiles. La Commission
estime que le fait d’imposer à l’organe de recours des délais restreints, n’a
aucun sens si le législateur omet par ailleurs de régler les autres aspects
de la problématique. L’obtention des documents demandés par l’organe
de recours est essentielle du respect de l’obligation d’exécution si
l’administration se refuse à exécuter la décision de publicité. En effet,
l’article 24 dispose notamment ce qui suit :

           « § 3. L'instance qui détient les informations ou les a déposées
           dans des archives, exécute la décision d'acceptation du recours
           dans les meilleurs délais et au plus tard dans les quarante jours
           calendaires. En cas de décision de prolongation, visée à
           l'article 24, § 1er, alinéa deux, ce délai d'exécution est porté à
           cinquante-cinq jours calendaires au plus. Si l'instance n'a pas
           exécuté la décision dans le délai visé au premier alinéa,
           l'instance de recours exécute la décision dans les meilleurs
           délais. »

La Commission constate que dans ce troisième paragraphe, on se réfère à
un délai qui porte sur le délai dans lequel la Commission prend une
décision. Cela ne peut toutefois pas être de l’intention des auteurs. Ces
derniers ne peuvent en effet vouloir qu’une chose : c’est qu’une fois
                                                                          28

forclos le délai de quinze jours dans lequel l’instance pouvait exécuter la
décision de la Commission, la Commission elle-même soit compétente
pour la mettre à exécution. Pour éviter des problèmes d’interprétation, il
conviendrait en outre que le moment où le délai de quinze jours prend
cours soit fixé.

   2.6.6   Un droit d’accès direct à l’enregistrement (article 13 de la
           proposition de loi)

L’article 13 de la proposition de loi confère un droit d’accès immédiat aux
données d’enregistrement pour la personne qui introduit le recours et
pour l’administration. La formulation de l’article 37 de la loi du 5 août
2006 reste toutefois préférable. Cet article dispose ce qui suit :

           « Art. 37 § 1er La Commission fédérale de recours pour l'accès
           aux informations environnementales qui reçoit un recours, le
           consigne sans délai dans un registre, avec mention de la date
           de réception.
             § 2. Le demandeur qui a formé un recours ainsi que les
           instances environnementales concernées ont un droit d'accès
           immédiat aux données d'enregistrement relatives au recours.
             § 3. La Commission fédérale de recours pour l'accès aux
           informations environnementales informe immédiatement
           l'instance environnementale visée à l'article 4, § 1er, du
           recours et envoie simultanément un avis de réception à la
           personne qui a formé le recours. »

La notion de “public” signifie en effet “accessible pour tout le monde”.
Cette disposition a pour but de créer un droit d’accès spécifique, pour la
personne qui introduit un recours et pour l’administration contre
laquelle le recours est introduit, aux informations relatives au recours qui
sont contenues dans le registre. Avec cette disposition, l’on est assuré que
sur la base de la législation en matière de publicité, l’accès à ces
informations ne doit pas être demandé par les deux parties.

La Commission trouve étrange que contrairement à ce qui était prévu
dans le décret du 26 mars 2004 qui est la source d’inspiration des auteurs
de la propositions de loi, un tel droit n’est garanti qu’à l’égard des
informations relatives à l’enregistrement du recours administratif et non
à l’égard des informations relatives à l’enregistrement de la demande
                                                                           29

initiale. L’article 21 de la loi du 5 août 2006 prévoit en revanche une telle
disposition. Elle s’énonce comme suit :

            « § 3. L'instance environnementale qui reçoit la demande et
           qui dispose de l'information environnementale, la consigne
           sans délai dans un registre avec mention de la date de
           réception. L'instance environnementale envoie simultanément
           un accusé de réception au demandeur.
           Le demandeur a un droit d'accès immédiat aux données
           d'enregistrement de sa demande. »

Les auteurs de la proposition gagneraient à plutôt se baser sur cette règle.

   2.6.7   L’indépendance de l’organe de recours

Les auteurs de la proposition de loi disposent à juste titre que « L’instance
de recours exerce sa mission en toute indépendance et neutralité »
(article 16 de la proposition de loi). Cette disposition a toutefois des
conséquences quant à la responsabilité des membres de l’organe de
recours. Pour cette raison, le législateur a récemment, par une loi du 16
février 2012, adapté la loi du 5 août 2006, notamment en disposant que
les membres de la Commission ne peuvent être personnellement tenus
responsables par les ayant-droit concernés par une décision de cette
Commission. Une responsabilité plus lourde peut compromettre
l’indépendance des membres de l’organe de recours. Les développements
de la loi modificative contiennent à cet égard une justification
circonstanciée :

           « Il est essentiel également que les membres de la Commission
           exercent leur fonction indépendamment de toutes pressions
           extérieures, dont notamment la menace d’une action
           ultérieure en responsabilité civile. En effet, bien que les
           membres ordinaires soient des fonctionnaires et donc, soumis
           à la loi du 10 février 2003 relative à la responsabilité des et
           pour les membres du personnel au service des personnes
           publiques, ils ne bénéficient cependant pas de la protection de
           cette dernière lorsqu’ils agissent dans le cadre de la
           Commission de recours. Le président, quant à lui, est exclu de
           facto du champ d’application ratione personae de cette loi. Il
           convient en conséquence de prévoir une disposition stipulant
                                                                          30

           l’immunité personnelle de responsabilité civile des membres
           de la Commission de recours à l’égard des personnes
           concernées par une décision de la Commission.

           La clause exonératoire de responsabilité civile vise à prémunir
           les membres de la Commission de toute pression qu’ils
           pourraient subir par des tiers dans l’exercice des tâches de la
           Commission de recours. Les membres de la Commission
           échapperaient donc au régime commun de responsabilité mais
           uniquement dans la mesure où il s’agirait d’une action en
           responsabilité civile portée par une/des personne(s)
           concernée(s) par une décision de la Commission de recours.
           Cette disposition n’exclut donc pas l’application du régime
           commun de responsabilité qui serait actionnée par l’État belge
           s’il s’avérait qu’une décision a été prise en cas de faute lourde
           ou de tromperie. » (Doc. Parl. Chambre, 2010 – 2011,
           document n° 53 K1759001, 5)

En raison de son indépendance, il est également nécessaire que la
Commission puisse être représentée par un avocat de son choix lorsque sa
décision est contestée en droit. L’insertion d’une disposition identique est
dès lors souhaitable. La disposition est expliquée en détails dans l’exposé
des motifs de la loi modificative :

           « Vu le caractère indépendant de la Commission de recours, il
           est fondamental que celle-ci puisse se faire représenter, le cas
           échéant, en cas d’actions en justice devant les tribunaux
           ordinaires ou de recours devant le Conseil d’État, ce bien
           qu’elle ne possède pas la personnalité juridique. En effet, lors
           de telles actions, si l’État belge est déjà représenté via les
           ministres de tutelle de la loi, c’est-à-dire le ministre qui a
           l’Environnement dans ses attributions et le ministre de
           l’Intérieur, cette représentation peut, dans certains cas, porter
           à mal l’indépendance requise, par exemple lorsque ces
           ministres ont également sous leur tutelle le dossier faisant
           l’objet du recours. Il convient de noter que la possibilité pour
           la Commission de se faire représenter au niveau juridictionnel
           ne viendrait en rien modifier le système actuel de
           représentation de l’État belge via les ministres de tutelle,
           lequel resterait identique. Les frais liés au contentieux seront
                                                                           31

           pris en charge par l’État belge, comme cela est le cas de
           manière classique pour les litiges concernant ce dernier. »
           (Doc. Parl. Chambre, 2010 – 2011, document n° 53 K1759001,
           4 - 5)

Afin de garantir l’indépendance de la Commission, il est en outre
recommandé que la composition actuelle comptant tant des personnes
internes que des personnes externes à l’autorité, soit maintenue.

   2.6.8   La nécessité de prévoir les moyens et le personnel nécessaires
           pour l’organe de recours

Certes, conférer à la Commission d’accès aux et de réutilisation des
documents administratifs, section publicité de l’administration, un rôle
décisionnel sur le recours, implique qu’elle revoie son approche des
affaires. Exercer des compétences décisionnelles requiert souvent une
analyse approfondie des documents administratifs demandés, tandis que
les compétences d’avis actuelles se limitent souvent à l’évaluation de la
motivation avancée par l’administration. L’expertise dont disposent déjà
les membres de cette Commission devrait cependant faciliter l’émergence
de cette nouvelle approche. Ceci ne doit pas pour autant occulter la
question de la rétribution qui devrait nécessairement assortir
l’implication approfondie requise dorénavant des membres de la
Commission. En effet, actuellement, seul le président de la Commission
reçoit un jeton de présence et le secrétaire et son suppléant sont
rémunérés en leur qualité d’agents de l’autorité.

Pour satisfaire à ces nouvelles responsabilités, il s’imposera de prévoir des
moyens suffisants, des rétributions raisonnables et un statut de personnel
adapté pour le secrétariat.

   2.7 L’absence de tentative d’uniformisation des régimes de publicité

L’un des problèmes qui crée une certaine pression sur la transparence du
système fédéral de publicité tient à l’existence de divers régimes de
publicité : outre le régime de publicité général pour les documents
administratifs, il y a un règlement distinct pour les informations
environnementales établi par la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du
public à l’information en matière d’environnement ainsi qu’un règlement
distinct pour les informations géographiques organisé par la loi du 15
                                                                        32

décembre 2011 transposant la Directive 2007/2/CE du Parlement
européen et du Conseil du 14 mars 2007 établissant une infrastructure
d'information géographique dans la Communauté européenne. De plus, il
existe également des régimes spécifiques pour des documents spécifiques.
Il y a un nombre considérable de différences entre ces régimes. Cela
engendre de sérieuses difficultés, tant pour les citoyens que pour
l’administration. La Commission a ainsi déjà attiré l’attention sur la
problématique de la distinction faite entre les informations
environnementales et les informations non environnementales et sur le
fait que de nombreux documents administratifs ont un caractère mixte
dès lors qu’ils contiennent tant des informations environnementales que
non environnementales (voir par exemple le Rapport annuel 2011 de la
Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations
environnementales, p. 6). De plus, il existe deux procédures de recours
administratif différentes avec des commissions distinctes qui remplissent
chacune un autre rôle. Pour ce qui est de l’accès aux informations
géographiques, on ne perçoit même pas clairement si une procédure de
recours administratif est possible. La Commission plaide dès lors en
faveur du développement d’un système de publicité uniforme. La
complexité du système de publicité en Belgique est en effet
particulièrement forte du fait que pour mettre en œuvre l’article 32 de la
Constitution, les règles répartitrices de compétences engendrent de
devoir parfois appliquer simultanément plusieurs législations.

L’élaboration d’une loi fédérale qui s’applique à toutes les informations,
permettant que les mêmes procédures s’appliquent avec un seul organe
de recours, constituerait une énorme simplification.

Afin d’accroître la transparence, il est également essentiel que la loi
fédérale générale relative à la publicité soit conçue comme une règle
minimum qui n’empêche pas que le législateur prévoie une publicité plus
large pour des documents spécifiques.

   2.8 Une relation mieux établie avec la loi relative aux archives

La loi du 11 avril 1994 et la loi du 12 novembre 1997 organisent
clairement l’accès aux documents administratifs qui ont été déposés aux
archives. Le principe est que les documents administratifs qui ont été
déposés aux archives continuent à ressortir à l’application des lois en
                                                                              33

matière de publicité et que la décision sur l’accès est prise par le
responsable de l’administration.
Il est douteux que la manière dont la relation avec la loi de 1955 relative
aux archives du Royaume est réglée, corresponde à l’intention du
législateur. L’article 11 de la loi du 11 avril 1994 et l’article 12 de la loi du
12 novembre 1997 disposent en effet ce qui suit : « Les alinéas premier à
trois (deux) ne s'appliquent pas aux Archives Générales du Royaume ou
aux Archives de l'Etat dans les Provinces, auxquelles les dispositions
légales relatives aux Archives restent entièrement d'application ». Cela ne
pose aucun problème pour les documents administratifs qui doivent être
déposés aux archives par une autorité administrative fédérale, provinciale
ou communale, et ce à partir du délai qui s’applique à l’obligation de
dépôt. L’idée était en effet que la loi relative aux archives contienne une
règle de publicité spécifique ayant pour conséquence que tous les
documents qui doivent être déposés aux archives sont publics. Il en va
autrement pour les documents administratifs auxquels ne s’applique
aucune obligation de dépôt ou pour les documents administratifs qui
doivent être déposés avant terme ou le sont sur une base volontaire. La
disposition de l’article 11 de la loi du 11 avril 1994 et de la loi du 12
novembre 1997 a en effet pour conséquence qu’il ne serait plus possible
d’invoquer des motifs d’exception pour ces documents, le principe étant
que tous les documents administratifs sont publics sauf si la loi impose
des motifs d’exception. La loi relative aux archives ne contient toutefois
aucun motif d’exception. Il est souhaitable que les motifs d’exception de
la législation fédérale en matière de publicité puissent malgré tout être
invoqués pour ces trois catégories de documents administratifs ; à défaut,
il est possible que certaines informations, dont la publicité n’est pas
encore souhaitée, soient divulguées.

La disposition actuelle est également problématique pour une seconde
raison : les Archives générales du Royaume ne sont elles-mêmes pas
exclues de la législation en matière de publicité, ce qui est partiellement
justifié. Les Archives générales du Royaume (et les archives du Royaume
dans les provinces) sont en effet une institution scientifique fédérale qui
produit et reçoit elle-même des documents administratifs. Mais elle
obtient en outre des documents d’autres autorités, d’autorités
administratives et d’autorités non administratives. En raison de
l’interprétation large de la notion de document administratif, les
documents qui ne sont pas des documents administratifs peuvent être
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qualifiés de documents administratifs en raison de leur obligation de
dépôt, ce qui n’était certainement pas l’intention du législateur.

La Commission estime dès lors que l’intention du législateur pourrait être
mieux exprimée ; à cette occasion, il appartiendra au législateur d’évaluer
dans quelle législation des précisions doivent être ajoutées.

   2.9 Une meilleure structure du texte

Les auteurs de la proposition de loi souhaitent donner une structure plus
claire à la loi du 11 avril 1994. A cette fin, ils scindent le texte en
sections. Il est en effet important qu’un texte qui contribue à une plus
grande transparence des interventions publiques soit lui-même aussi plus
clair pour le citoyen. De ce point de vue, il s’indiquerait de remplacer le
texte actuel par un nouveau texte qui intègre les actuelles législations
générales en matière de publicité et les régimes généraux pour les
informations spécifiques (informations environnementales, informations
géographiques, …) et les modifications proposées.

La Commission estime en outre souhaitable de prévoir une section
“procédure de demande” à l’instar de ce que prévoient les auteurs de la
proposition de loi en ce qui concerne la section “procédure de recours”.



Bruxelles, le 29 septembre 2014.




   F. SCHRAM                                               M. BAGUET
   secrétaire                                              présidente

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