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Décision CFR 21

Sur le refus implicite de donner accès aux documents contenus dans les dossiers de justification concernant le redémarrage des réacteurs nucléaires Doel 3 et Tihange 2

Transposition

Commission fédérale de recours pour
    l'accès aux informations
       environnementales



                 9 novembre 2015




           DÉCISION n° 2015-21

     sur le refus implicite de donner accès aux
      documents contenus dans les dossiers de
    justification concernant le redémarrage des
      réacteurs nucléaires Doel 3 et Tihange 2

                  (CFR/2015/11)

          X/Agence fédérale de contrôle nucléaire
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   1. Un récapitulatif

Par courrier en date du 25 août 2015, Monsieur X demande à l’Agence
fédérale de contrôle nucléaire “les documents constituant la Safety Case,
comme détaillés dans votre communiqué du 7 mai 2015”.

Par courrier en date du 22 septembre 2015, l’AFCN rejette la demande
d’accès sur la base des arguments suivants:
    -     L’article 32, § 2, 1° de la loi du 5 août 2006 relative à l’accès du
       public à l’information en matière d’environnement: vu l’état
       d’avancement du dossier, la demande doit être considérée comme
       étant manifestement abusive et motive cet argument comme suit :
       “L’Agence entend clarifier les choses le plus rapidement possible
       sur le futur des réacteurs de Doel 3 et de Tihange 2. Il s’agit d’une
       mission qui lui est dévolue par la loi. Les membres de son
       personnel chargés de traiter ce dossier doivent en priorité
       l’analyser d’un point de vue technique. Ce sont ces mêmes
       personnes qui doivent analyser les dossiers de justification en vue
       de leur divulgation dans le cadre de la loi du 5 août 2006 relative à
       l’accès du public à l’information en matière d’environnement. Ces
       collaborateurs ne peuvent actuellement pas être affectés à cette
       tâche.
    -     Il ressort d’une première analyse qu’un certain nombre de
       motifs d’exception devront éventuellement être invoqués sur le
       plan du contenu pour refuser l’accès à certaines informations:
            o Les libertés et les droits fondamentaux des administrés et
                en particulier, la protection de la vie privée, à moins que la
                personne concernée n’ait consenti à la publicité ;
            o Le caractère confidentiel des informations commerciales et
                industrielles, lorsque ces informations sont protégées afin
                de préserver un intérêt économique légitime, à moins que
                la personne d’où proviennent les informations n’ait
                consenti à la publicité ;
            o Si la demande porte sur un avis ou une opinion
                communiquées volontairement et à titre confidentiel par
                un tiers à une instance environnementale, pour lesquels
                celui-ci a explicitement demandé la confidentialité, à
                moins qu’il n’ait consenti à la publicité.
            L’AFC estime que l’intérêt du public servi par la publicité ne
            l’emporte pas sur la protection des intérêts précités.
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N’étant pas d’accord avec la décision de l’AFCN, Monsieur X introduit,
par courrier en date du 19 octobre 2015, un recours auprès de la
Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations
environnementales, ci-après dénommée la Commission.

Par e-mail en date du 19 octobre 2015, la Commission demande à l’AFCN
de lui faire parvenir les documents concernés dans les meilleurs délais et
invite l’AFCN à préciser son point de vue.

Par e-mail en date du 22 octobre 2015, Madame Nele Scheerlinck
demande, au nom de l’AFCN, à être entendue par la Commission afin
d’expliquer le point de vue de l’AFCN. A cette occasion, une copie des
Safety Cases demandés sera amenée pour consultation.

L’AFCN confirme par e-mail en date du 29 octobre 2015 que Madame
Kristel Geerts et Monsieur Frederik van Wonterghem seront présents à
l’audition du 9 novembre 2015, comme proposé par la Commission.

Lors de l’audition du 9 novembre 2015, Madame Kristel Geerts et
Monsieur Frederik van Wonterghem expliquent que les documents
demandés entrent dans le cadre des fissures constatées sur les réacteurs
de Doel 3 et Tihange 2. La complexité de la problématique a nécessité
l’élaboration d’un plan d’approche au sujet duquel un accord n’a été
conclu que début juillet 2015 entre l’AFCN et l’exploitant des deux
centrales nucléaires. Les deux documents qui constituent les Safety Cases
concernent respectivement Doel 3 et Tihange 2 et peuvent être
considérés comme un résumé du dossier qui, entretemps, compte
quelques milliers de pages. Dans les deux documents, Electrabel étaye
son point de vue selon lequel les deux réacteurs pourront être
redémarrés. Le 17 juillet 2015, une première version de ces documents a
été transmise à l’AFCN. Le 28 octobre 2015, suite à la demande de
Monsieur X, et consécutivement aux questions complémentaires de
l’AFCN et à la désignation d’experts, une deuxième version a été fournie.
Les personnes en charge de l’évaluation de l’ensemble du dossier auprès
de l’AFCN sont les mêmes personnes que celles qui doivent également
réaliser le screening des éventuelles exceptions. Vu l’urgence du dossier,
on mise tout sur son analyse ce qui doit permettre de prendre une
décision motivée sur le redémarrage ou non des réacteurs nucléaires
cités. Il ressort de l’entretien qu’en ce qui concerne l’ensemble du
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dossier, certains motifs d’exception devraient en tout cas être invoqués et
que des droits intellectuels s’appliquent à certains documents mais qu’il
est très peu probable que cela soit le cas en ce qui concerne les
documents demandés. Les représentants de l’AFCN expriment leur
crainte que, du fait des nombreuses références à d’autres documents dans
les documents demandés, ces documents soient également demandés et
que cela engendre une charge de travail trop importante qui pourrait
compromettre le fonctionnement normal de l’AFCN. Ils craignent
également que la publicité des documents demandés, qui ont entre-temps
été remplacés par une nouvelle version, qui ne fait pas l’objet de ce
recours, puisse engendrer un malentendu. Les deux représentants de
l’AFCN précisent également à la Commission qu’une fois que la décision
aura été prise, de nombreux documents seront publiés sur le site Internet
de l’AFCN et que la décision sera en tout cas encore prise avant la fin de
l’année.

   2. La recevabilité du recours

La Commission estime que le recours est recevable. L’article 35 de la loi
du 5 août 2006 dispose que le demandeur peut former un recours auprès
de la Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations
environnementales contre une décision d’une instance environnementale
visée à l’article 4, §1er si le délai imparti pour prendre la décision est
venu à expiration ou, en cas de refus d'exécution ou d'exécution
incorrecte d'une décision, ou en raison de toute autre difficulté qu'il
rencontre dans l'exercice des droits que confère la présente loi. Le
recours doit être introduit dans un délai de soixante jours. Le recours a
été introduit le 19 octobre 2015 contre la décision du 22 septembre 2015
et a par conséquent été introduit dans le délai légal.

   3. Le bien-fondé du recours

3.1. Le champ d’application

L’AFCN ne conteste pas qu’elle tombe sous le champ d’application de la
loi du 5 août 2006 ni que les documents demandés doivent être
considérés comme des informations environnementales au sens de la loi
du 5 août 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière
d’environnement. La Commission ne voit dès lors aucune raison de
poursuivre l’examen de ce point.
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3.2 La possibilité d’invoquer des motifs d’exception

La Commission peut comprendre que l’analyse de ce dossier très
complexe mais aussi unique concernant les fissures sur les parois des
réacteurs des centrales nucléaires de Doel 3 et Tihange 2 soit une tâche
intensive et qu’elle requiert une grande expertise qui doit être trouvée en
dehors de l’AFCN. Elle estime cependant que vu la portée relativement
restreinte des documents demandés, l’article 32, §2, 1° de la loi du 5 août
2006 ne peut tout simplement pas être invoqué pour refuser la publicité
de ces documents. Le caractère manifestement abusif ne peut pas être
démontré. Les circonstances concrètes ne permettent pas d’avancer
suffisamment d’éléments pouvant justifier le fait d’invoquer ce motif
d’exception formel. En l’état actuel, comme elle a pu consulter les
documents, la Commission ne voit rien permettant d’invoquer un ou
plusieurs motifs d’exception pour les deux documents. Dans la mesure où
un certain intérêt économique protégé serait d’actualité, la Commission
estime encore que cela être présent de manière très marginales dans les
deux documents et que l’intérêt général qui est servi par la publicité dans
ce dossier pèse lourd et fait l’objet du débat public et que cet intérêt
général ne prime pas sur les intérêts spécifiques éventuels.

Bien que la Commission ait conscience que les documents contiennent de
très nombreuses références à d’autres documents et qu’il est possible que
ces documents soient également demandés à l’avenir, cela ne peut pas
constituer un motif de refus de la publicité des documents demandés.
Toute demande doit en effet être évaluée séparément.

La Commission estime également que le fait qu’un document puisse
donner lieu à un malentendu n’est pas un motif pour refuser l’accès. A ce
niveau, le législateur n’a en effet pas mis comme condition que le citoyen
soit à même de comprendre les documents. Il a bien prévu la possibilité
que le citoyen rencontre des difficultés pour faire usage du droit
d’explication lorsqu’il en a besoin. Toutefois, rien n’empêche, et cela
témoigne même d’une bonne pratique, que l’AFCN joigne à la publicité
des documents demandés une note explicative permettant d’éviter le
risque de mauvaise interprétation.
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3.2 Décision

La Commission décide que l’AFCN doit fournir les efforts nécessaires afin
de faire parvenir les documents demandés au demandeur et ce, dans les
meilleurs délais et du moins avant de prendre une décision quant au
redémarrage des deux centrales nucléaires. Dans la mesure où la
Commission a pu, en l’état actuel du dossier, vérifier les documents, elle
ne voit aucune raison d’invoquer un ou plusieurs motifs d’exception.

Bruxelles, le 9 novembre 2015.

La Commission était composée comme suit :

Martine Baguet, présidente
Frankie Schram, secrétaire et membre
Hrisanti Prasman, membre
Steven Vandenborre, membre
Marie De Lombaert, membre suppléante



   F. SCHRAM                                             M. BAGUET
   secrétaire                                             présidente

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