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Avis 044-10

Transposition

Commission d'accès aux documents administratifs de la Région de
Bruxelles-Capitale
Avis
1. LES FAITS
La société QUINTELIER FRERES s.a. a déposé une offre dans le cadre d'un marché public, qualifié de marché de travaux, passé par adjudication publique, portant sur la réparation des dégâts causés accidentellement et par vandalisme aux espaces verts gérés par la Région de Bruxelles-Capitale.

L'avis de marché a été publié dans le Bulletin des adjudications du 27 novembre 20091. L' avis de marché indique que «par l'approbation de l'offre, le pouvoir adjudicateur s'engage à passer, durant le délai de validité du marché, en ce compris les prolongations éventuelles (dans l'hypothèse de la seconde option reprise ci-dessous), des commandes pour un montant total atteignant au moins 300.000 EUR (TVAC) et ne dépassant pas 400.000 EUR (TVAC)».

Le marché n'a pas fait l'objet d'une publicité européenne. Le seuil de publicité européenne obligatoire, pour les marchés de travaux, n'était effectivement pas atteint.

Selon la demanderesse, par des courriers des 11 et 18 juin 2010, le pouvoir adjudicateur lui a notifié la décision de ne pas retenir son offre, en raison d'un prix anormalement bas.

1 Par conséquent, la (nouvelle) loi du 23 décembre 2009, «introduisant an nouveau livre relatif à la motivation, à l'information et aux voies de recours dans la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services» n'est pas applicable à ce marché.

1
La demanderesse indique avoir demandé le 5 juillet 2010, que lui soit communiqué le rapport d'adjudication.

Le 8 juillet 2010, le pouvoir adjudicateur lui a communiqué la décision motivée d'éviction la concernant .

Le 9 août 2010, la demanderesse - par l'intermédiaire de son conseil - a adressé à l'Administration une demande de consultation de l'ensemble du dossier administratif relatif audit marché public, sur la base des articles 8 et suivants de l'ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l'administration. Elle a, plus particulièrement, demandé de pouvoir disposer d'une copie du «rapport intégral d'adjudication du marché» et de «la décision motivée d'attribution de celui-ci», ainsi que des «éventuelles demandes de justification faites au soumissionnaire ayant obtenu le marché, et ce sur la base de l'article 110 de l'arrêté royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions de travaux publics et les réponses apportées par ce soumissionnaire à ces éventuelles demandes de justification et ce, - s'il y a lieu, au vu des exceptions au principe constitutionnel relatif à la publicité des documents administratifs et donc de manière dûment motivée -après que les informations confidentielles des réponses apportées auront été rendues illisibles».

Le 20 août 2010, l'Administration a opposé un refus à cette demande, en ces termes:\\
«[...] Nous vous rappelons que l'information des participants à un marché public est organisée par la législation sur les marchés publics. A l'égard d'un soumissionnaire évincé, il y a lieu d'appliquer cette législation spécifique et non l'ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l'administration. Ayant transmis à la firme Quintelier Frères S.A. copie de la décision d'éviction prise à son encontre, le pouvoir adjudicateur a rempli à son égard son obligation d'information. La réglementation ne prévoit pas la communication, à un soumissionnaire évincé, de la décision d'attribution.

[...]»
2 Ce courrier n'est pas déposé. La demanderesse indique que la décision la concernant est une décision motivée distincte du rapport d'adjudication [il faut sans doute lire: de la décision d'attribution] et s'étonne du procédé.

2
La demanderesse a introduit simultanément, le 29 septembre 2010, une demande de reconsidération auprès de l'Administration et la présente demande d'avis auprès de la Commission.

L'Administration a transmis ses observations à la Commission par un courrier du 13 octobre 2010.

2. L'OBJET DE LA DEMANDE
La société QUINTELIER FRERES S.A. - par F intermédiaire de son conseil -sollicite l'avis de la Commission sur une demande de consultation de
«l'ensemble des documents administratifs en possession du Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale relativement audit marché public».

Plus particulièrement - et sans que cette liste soit exhaustive - elle demande à pouvoir disposer d'une copie des documents suivants :\\
- «le rapport intégral d'adjudication du marché etla décision motivée d'attribution de celui-ci»',
- «le cas échéant, les éventuelles demandes de justification faites au soumissionnaire ayant obtenu le marché, et ce sur la base de l'article 110 de l'arrêté royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions de travaux publics et les réponses apportées par ce soumissionnaire à ces éventuelles demandes de justification et ce, — s'il y a lieu, au vu des exceptions au principe constitutionnel relatif à la publicité des documents administratifs et donc de manière dûment motivée — après que les informations confidentielles des réponses apportées auront été rendues illisibles»
3. LES ARGUMENTS DES PARTIES
A. En substance, la demanderesse rappelle que la législation sur la publicité de l'administration - plus particulièrement l'ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l'administration -, d'une part, et la législation sur les marchés publics - plus particulièrement la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fourniture et de services et l'article
3 Annexe 3 à la demande.

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25 de l'arrêté royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions de travaux publics - d'autre part, ont des raisons d'être, des finalités et des champs d'application différents. La première vise «à soumettre, au profit de tout citoyen, de manière générale et à la seule exception des cas expressément énumérés par l'ordonnance, toutes les autorités administratives dépendant de la Région de Bruxelles-Capitale à un régime de publicité passive et ce, conformément à l'article 32 de la Constitution». La seconde «vise quant à elle à ajouter, dans certaines hypothèses et au profit de certaines personnes bien déterminées, à savoir les soumissionnaires à un marché public, certaines obligations de transparence supplémentaires, très précises et non limitatives dans le chef des pouvoirs adjudicateur s, en vue, essentiellement, de garantir l'égalité entre les candidats». Selon la demanderesse, ces différences excluent que l'on interprète les garanties supplémentaires dont bénéficient les soumissionnaires évincés d'un marché public comme des restrictions à l'obligation générale de publicité mise en place par l'ordonnance du 30 mars 1995.

D'autre part, la demanderesse estime que l'interprétation de l'Administration entraînerait une exception trop catégorique au droit fondamental à la publicité administrative garanti par l'article 32 de la Constitution. Elle rappelle l'arrêt de la Cour d'arbitrage - devenue Cour constitutionnelle - n° 17/97 du 25 mars 1997, selon lequel «des exceptions au principe de la publicité des documents administratifs ne sont possibles que dans les conditions fixées par la loi, le décret ou l'ordonnance. Elles doivent être justifiées et sont de stricte interprétation». Elle en déduit que 1 ' interprétation de F Administration conduirait, en matière de marchés publics, à une limitation bien trop absolue du principe consacré à l'article 32 de la Constitution pour être acceptable. Elle souligne, en outre, que l'essentiel des dispositions régissant l'information des soumissionnaires est contenu dans un arrêté royal, de sorte que le prescrit constitutionnel exprès selon lequel les exceptions au principe de transparence doivent être détaillées dans une norme de rang législatif, ne serait pas respecté.

La demanderesse conclut qu'il convient «d'interpréter les mesures de transparence prévues en matière de marchés publics comme des dispositions complémentaires à celles prévues par l'ordonnance du 30 mars 1995».

Elle indique que la «beroepsinstantie Openbaarheid van Bestuur» et la Commission (fédérale) d'accès et de réutilisation des documents administratifs
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se sont déjà prononcées en ce sens et que la doctrine va également dans le même sens.

B. L'Administration estime que l'information des participants à un marché est organisée par la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services, dans le but de permettre aux participants d'introduire en connaissance de cause et dans le délais requis un recours contre les décisions du pouvoir adjudicateur. Elle considère que, dans le souci de garantir une saine concurrence, de préserver la confidentialité des offres et documents remis par les participants et de respecter le droit au secret des affaires, ces textes limitent la communication à ce qui est strictement nécessaire pour permettre aux entreprises d'évaluer l'opportunité d'introduire un recours contre les décisions prises. Elle fait observer que la demanderesse n'a pas introduit de recours contre la décision et que, si tel avait été le cas, l'Administration aurait été tenue de fournir l'ensemble du dossier à l'instance de recours saisie.

L'Administration indique qu'en vertu de l'article llbis, § 2, 2°, de la loi du 24 décembre 1993 précitée, le pouvoir adjudicateur avait l'obligation de communiquer au soumissionnaire dont l'offre était jugée irrégulière, les motifs de son éviction. Elle indique qu'ayant transmis à la demanderesse une copie de la décision motivée d'éviction prise à son encontre le pouvoir adjudicateur a rempli son obligation. Elle précise que ni l'article llbis, ni aucune autre disposition de la loi ne prévoient l'obligation de communiquer à un soumissionnaire évincé la décision d'attribution ou d'autres documents. Elle estime qu'une telle communication violerait d'ailleurs les principes de confidentialité. En outre, l'Administration rappelle que le § 3 de l'article llbis permet de ne pas communiquer certains renseignements lorsque leur divulgation [...] porterait atteinte aux intérêts commerciaux légitimes d'entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre entreprises.

Enfin, l'Administration estime que Particle 10, § 1er, 7°, de l'ordonnance du 30 mars 1995 est applicable au cas d'espèce, dans la mesure où le rapport d'adjudication et les justifications de prix unitaires communiquées par l'adjudicataire contiennent des informations d'entreprise confidentielles (les prix offerts, notamment). Elle affirme qu'elle ne pourrait biffer les informations confidentielles sur ces documents sans en altérer gravement le sens, de sorte qu'il est justifié de refuser la communication de documents tronqués.

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4. EXAMEN DE LA DEMANDE
A. Quant à l'application, en matière de marchés publics, de l'ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l'administration
1. «La législation générale sur l'accès à l'information coexiste [...] avec maintes dispositions qui ont pour objet de régler la même question dans un domaine spécifique, c'est-à-dire à propos de certains types de documents administratifs»*. Parmi celles-ci, les dispositions - fédérales - relatives à Tinformation des soumissionnaires dans le cadre des marchés publics^.

Ainsi, dans la version applicable au marché en cause, l'article 25, § 2, de l'arrêté royal du 8 janvier 1996 précité, disposait comme suit:\\
«Le présent paragraphe s'applique à toutes les procédures de passation lorsque le marché n'est pas soumis à une publicité obligatoire ait niveau européen lors du lancement de la procédure. Il ne s'applique pas à la procédure négociée sans publicité.

Le pouvoir adjudicateur informe immédiatement après la décision d'attribution : 1° les soumissionnaires non-sélectionnés de leur non-sélection; 2° les soumissionnaires dont l'offre a été jugée irrégulière, du rejet de
leur offre;
3° les soumissionnaires dont l'offre n'a pas été choisie de ce fait. Les soumissionnaires non-sélectionnés, les soumissionnaires dont l'offre a été jugée irrégulière et les soumissionnaires dont l'offre n'a pas été choisie peuvent demander par écrit au pouvoir adjudicateur les motifs de la décision les concernant. Le pouvoir adjudicateur communique ces motifs dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la demande».

Initialement, l'article 25 de l'arrêté royal concernait tant les marchés soumis à la publicité obligatoire au niveau européen que les marchés «belges».

4 D. DEOM, T. BOMBOIS, L. GALLEZ, «Les exceptions au droit d'accès aux documents administratifs», in L'accès aux documents administratifs, (Dir. D. RENDERS), Bruxelles, Bruylant. 2008, p. 204.

J Comme le souligne la doctrine, «dans la passation des marchés publics, une certaine idée de la transparence est antérieure à la consécration constitutionnelle du droit d'accès au document administratif et à la montée en puissance de l'idée de transparence administrative» (h.h. DURVIAUX, «Le droit d'accès aux documents administratifs et les marchés publics», in L'accès aux documents administratifs, (Dir. D. RENDERS), Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 725).

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L'article llbis de 3a loi du 24 décembre 1993 précitée - qui n'y a été inséré que par une loi du 9 juillet 2004 - a donné un fondement légal à l'obligation d'information consacrée par l'article 25 de l'arrêté royal du 8 janvier 1996 et a élevé au rang législatif le régime de publicité applicable aux marchés soumis à la publicité obligatoire au niveau européen6.

Dans la version applicable - ratione temporis - au marché en cause, il disposait comme suit:\\
«§ Ie'. Le pouvoir adjudicateur informe les candidats non sélectionnés, les soumissionnaires non sélectionnés et les soumissionnaires dont l'offre a été jugée irrégulière ou n'a pas été choisie, dans les moindres délais après la prise de décision les concernant. Cette disposition n'est pas applicable pour certains marchés passés par procédure négociée sans publicité dont le Roi arrête la liste. Le Roi fixe les règles relatives à l'obligation de communiquer aux candidats et aux soumissionnaires les motifs de la décision qui les concernent. Il peut prévoir des exceptions pour certains marchés passés par procédure négociée sans publicité.

§ 2. Lorsque le marché public ou la concession de travaux publics est obligatoirement soumis à la publicité européenne lors du lancement de la procédure, le pouvoir adjudicateur communique en même temps que l'information prévue au § 1er:\\
1 ° à tout soumissionnaire non sélectionné, les motifs de sa non-sélection;
2° à tout soumissionnaire dont l'offre a été jugée irrégulière, les motifs de son éviction; ces motifs se rapportent, le cas échéant, à la décision de non-équivalence des solutions proposées pour les travaux, fournitures ou les services par rapport aux spécifications techniques ou à la non-satisfaction par rapport, aux performances ou aux exigences fonctionnelles prévues;
3° à tout soumissionnaire dont l'offre n'a pas été choisie, la décision motivée d'attribution du marché.

La communication se fait sans délai par télécopieur ou par des moyens électroniques et est confirmée le même jour par lettre recommandée à la poste. Le pouvoir adjudicateur accorde aux soumissionnaires un délai de quinze jours à compter du lendemain du jour de l'envoi par télécopieur ou par des moyens électroniques prévu à l'alinéa 2. Les soumissionnaires peuvent endéans ce délai introduire un recours en suspension auprès d'une juridiction, et ce exclusivement, selon le cas, dans le cadre d'une procédure en référé devant le juge judiciaire ou, devant le Conseil d'Etat, par une procédure d'extrême
0 L'article 2\bis a, par ailleurs, assorti le régime d'information applicable aux marchés publics soumis à publicité européenne d'une période de temporisation entre la communication faite aux soumissionnaires non sélectionnés, dont l'offre a été jugée irrégulière ou dont l'offre n'a pas été retenue et la conclusion du contrat par la notification de cette décision à l'adjudicataire.

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urgence. En l'absence d'une information écrite au pouvoir adjudicateur en ce sens, parvenue dans le délai accordé à l'adresse qu'il a indiquée, la procédure peut être poursuivie.

§ 3. Certains renseignements peuvent ne pas être communiqués lorsque leur divulgation ferait obstacle à l'application d'une loi, serait contraire à l'intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d'entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre entreprises.»
Ces dispositions législatives et réglementaires relatives à l'information des soumissionnaires dans le domaine des marchés publics dérogent-elles à celles consacrées par les législations fédérale, communautaires et régionales relatives à la publicité de l'Administration ?
2. L'article 32 de la Constitution consacre le droit de chacun «de constater chaque document administratif et de s'en faire remettre copie, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134».

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Selon la Cour d'Arbitrage :\\
«En déclarant, à l'article 32 de la Constitution, que chaque document administratif - notion qui, selon le Constituant, doit être interprétée très largement - est en principe public, le Constituant a érigé le droit à la publicité des documents administratifs en un droit fondamental.

Des exceptions au principe de la publicité des documents administratifs ne sont possibles que dans les conditions fixées par la loi, le décret ou l'ordonnance. Elles doivent être justifiées et sont de stricte interprétation (Doc. pari, Sénat, 1991-1992, n° 100-49/2°, p. 9)».

3. L'on doit tout d'abord constater que l'ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l'administration, elle-même, ne prévoit aucune exception ou limitation au droit d'accès, en cas d'application de dispositions spécifiques consacrant une obligation d'information plus ciblée, telles que les dispositions relatives à l'information des candidats et soumissionnaires ayant participé à un marché public. En revanche, l'article 22 précise que «la présente ordonnance ne préjudicie pas aux dispositions législatives qui prévoient une publicité plus étendue de l'administration».

7 C. Arb.; arrêt n° 150/2004 du 15 septembre 2004, B.3.2.

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D'autre part, les dispositions législatives et réglementaires qui concrétisent le droit à l'information des candidats et soumissionnaires ayant participé à un marché public - et qui consacrent notamment l'obligation de communiquer, à la demande des «soumissionnaires dont l'offre a été jugée irrégitlière[...Jles motifs de la décision les concernant» - n'écartent pas expressément les législations fédérale, communautaires et régionales relatives à la publicité de l'administration.

Pour ce motif, déjà, la thèse selon laquelle les dispositions relatives à l'information des soumissionnaires dans le domaine des marchés publics dérogeraient à celles consacrées par les législations relatives à la publicité de l'Administration, ne pourrait être retenue.

Les deux législations couvrent des champs d'application distincts, qui se recoupent partiellement. Elles doivent, le cas échéant être appliquées cumulativement. Les pouvoirs adjudicateurs, soumis à l'obligation d'information des soumissionnaires, doivent, lorsqu'ils revêtent la qualité d'autorité administrative, appliquer - en outre - les dispositions générales
•  * •   • 8
relatives à la publicité de l'administration .

4. En l'espèce, les dispositions relatives à l'information des soumissionnaires seraient, d'ailleurs, impuissantes à consacrer valablement une telle exception au principe de publicité.

En effet, pour ce qui concerne les marchés non obligatoirement soumis à publicité européenne, l'article llbis ne fixait pas les règles relatives à l'obligation de communiquer aux candidats et aux soumissionnaires les motifs de la décision qui les concernent; il renvoyait, sur ce point, à l'arrêté royal. S'agissant d'un marché non soumis à publicité européenne, l'étendue de l'information à communiquer à la demande des candidats et soumissionnaires
I. COOREMAN et K. PHLIPS «Informatieverplichting van de aanbestedende overheid en openbaarheid van bestuur in net kader van de gunning van overheidsopdrachten», in Jaarboek overheidsopdrachten - Chronique des marchés publics 2008 - 2009, p. 479: «Naast de specifieke regels op het verlenen van informaîie aan de deelnemers van een gimningsprocedure voorzien in de Overheidsopdrachtenreglementering zijn de aanbestedende overheden als «bestuurinstanties» eveneens onderworpen aan de algemene regelgeving van de «Openbaarheid van Bestuur» toepasselijk op elke bestuursintantie in de uitoefening van haar publiekrechtelijke taken».

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évincés était donc essentiellement régie par l'article 25, § 2, de l'arrêté royal du 8 janvier 1996 précité.

Ce texte, de valeur réglementaire, ne pourrait établir une limitation au droit d'accès aux documents administratifs, consacré par l'article 32 de la Constitution, ni déroger à l'ordonnance du 30 mars 1995.

L'intention des auteurs du projet d'arrêté - qui, dans sa version initiale visait tant les marchés «belges» que les marchés «européens» - n'était d'ailleurs pas d'écarter l'application d'autres dispositions. Le Rapport au Roi l'indique clairement:\\
«Il y a lieu de souligner que la réglementation belge relative à la motivation des actes administratifs, et particulièrement la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs, se révèle plus large mais moins précise que les obligations reprises dans les articles 25 et 26, lesquelles découlent en règle générale des directives européennes. Cette loi impose, en effet, à toute autorité administrative au sens de l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, l'indication dans l'acte des considérations de droit et de fait fondant ses décisions qui ont une portée individuelle. Cette motivation formelle doit donc exister au moment de la prise de décision. Le pouvoir adjudicateur tiendra également compte d'obligations résultant d'antres législations. Ainsi par exemple, la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration impose aux autorités administratives fédérales, par son article 2, 4°, que la décision ou l'acte administratif à portée individuelle indique les voies éventuelles de recours, les instances compétentes pour en connaître ainsi que les formes à respecter. En l'absence de ces informations, le délai de prescription pour introduire le recours ne prend pas cours. Des dispositions similaires existent au niveau communautaire ou régional»9.

B. Sur l'exception consacrée par l'article 10, § 1er, 7°, de l'ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l'administration
1. L'exception invoquée par l'Administration se ht comme suit: «§ L L'autorité administrative régionale ou non régionale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif si elle constate que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'un des intérêts suivants:\\
9 Rapport au Roi précédant l'arrêté du 8 janvier 1996, Mon. b., 26 janvier 1996.

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[...] 7° le caractère par nature confidentiel des informations d'entreprise ou de fabrication communiquées à l'autorité; [...]»
2. Cette exception doit, comme toutes les exceptions au droit d'accès aux documents administratifs, être interprétée strictement. Elle ne permet donc pas de refuser l'accès à l'ensemble du dossier administratif relatif à l'attribution d'un marché public.

Si les offres déposées par les soumissionnaires peuvent contenir certaines données confidentielles, couvertes par le secret de fabrication ou le secret des affaires, le dossier d'adjudication, dans son ensemble, n'en devient pas pour autant «par nature» couvert par la confidentialité.

3. En particulier, la décision d'attribution du marché fait partie des documents communicables, de même que le rapport d'analyse des offres, lorsque la première est motivée par référence au second.

Il ne pourrait être soutenu qu'une telle décision serait «par nature» confidentielle au regard de l'ordonnance du 30 mars 1995, dès lors qu'il s'agit d'un acte administratif attaquable, qui doit, en vertu de la législation actuelle10 en matière d'information des candidats et soumissionnaires, être communiqué à la demande de «tout soumissionnaire dont l'offre n'a pas été choisie»11.

Le conflit entre la transparence administrative et la confidentialité des offres se pose, il est vrai, avec une particulière acuité lorsque le pouvoir adjudicateur exerce, comme en l'espèce, un contrôle de la normalité des prix. En effet «s'il s'agit d'énoncer de manière précise les points forts et les points faibles de toutes
10 L'article llbis de la loi du 24 décembre 1993 l'imposait également, mais uniquement pour les marchés atteignant les seuils européens.

11 Art. 65/8 de la loi du 24 décembre 1993 précitée(applicable aux marchés soumis à la publicité européenne): «§ 1er. Dès qu'elle a pris la décision d'attribution, l'autorité adjudicatrice communique :\\
1° à tout soumissionnaire non sélectionné, les motifs de sa non-sélection, extraits de la décision motivée; 2° à tout soumissionnaire dont l'offre a été jugée irrégulière, les motifs de son éviction, extraits de la décision motivée;
3° à tout soumissionnaire dont l'offre n'a pas été choisie et au soumissionnaire retenu, la décision motivée» (c'est nous qui soulignons).

L'article 65/29 de la même loi rend l'article 65/8, § 1er, alinéa 1er, applicable aux marchés n'atteignant pas les seuils européens.

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les offices, il est inévitable de dévoiler des éléments relevant du secret de fabrication ou des affaires»12.

Cette question relève toutefois davantage du degré d'exigence de la motivation formelle et de la rédaction de la décision d'attribution, que de celle de la transparence administrative. La décision motivée d'attribution du marché est, par nature, communicable. Les motifs de fait et de droit qui la fondent doivent donc être énoncés en tenant compte d'un équilibre à atteindre entre l'exigence de motivation formelle et la contrainte de confidentialité des offres.

Il résulte de ce qui précède que l'Administration a l'obligation de communiquer la décision motivée d'attribution du marché dans son intégralité. Il en va de même du rapport d'analyse, si la décision est motivée par référence à ce rapport, qui est alors censé en faire partie intégrante '.

En revanche, si le rapport prépare la décision d'attribution, mais que celle-ci comporte, en son sein, une motivation formelle complète, le rapport d'analyse fait partie du dossier administratif en principe communicable, sauf application de l'article 11 de l'ordonnance, combiné avec les exceptions définies à l'article 10, §§ 1er à 3. La Commission n'ayant pas eu accès au dossier, elle n'est pas en mesure de donner un avis plus précis à cet égard.

4. En principe, l'Administration doit également communiquer les autres documents administratifs du dossier relatif au marché en cause.

La demanderesse a un intérêt certain à pouvoir apprécier la légalité de la décision d'écarter son offre et de la décision d'attribuer le marché à l'adjudicataire, ce qui, en l'espèce, suppose d'avoir accès non seulement aux motifs pour lesquels le pouvoir adjudicateur a considéré que son prix était «anormal», mais également aux motifs pour lesquels le pouvoir adjudicateur a considéré que le prix de l'adjudicataire était «normal». A cet égard, les éventuelles demandes de justification ainsi que les réponses apportées par l'adjudicataire paraissent déterminantes.

12 A.L. DURVIAUX, op. cit., p. 743.

13 En effet «si la décision se réfère à un document technique, comme un rapport de comparaison, souvent plus détaillé et explicite sur les raisons concrètes des choix, ce document doit être communiqué en même temps que la décision selon une jurisprudence constante» (A.L. DURVIAUX. op. cit., p. 743).

12
Toutefois, en ce qui concerne les documents autres que la décision motivée d'attribution du marché, l'Administration pourrait justifier de ne pas communiquer certaines pièces, sur la base de l'exception consacrée à l'article 10, § 1er, 7°, de l'ordonnance. La Commission n'ayant pas eu accès au dossier, elle n'est pas en mesure de donner un avis plus précis à cet égard.

Par ailleurs, dans la mesure du possible, il sera fait application de l'article 11 de l'ordonnance, selon lequel «lorsque, en application de l'article 10, §§ 1er à 3, un document administratif ne doit ou ne peut être soustrait que partiellement à la publicité, la consultation, l'explication ou la communication sous forme de copie est limitée à la partie restante».

Il est à noter que la demanderesse elle-même suggérait que les demandes de justifications de prix et les réponses apportées par l'adjudicataire soient communiquées «après que les informations confidentielles des réponses apportées auront été rendues illisibles».

5. S'il est vrai que la demanderesse aurait pu avoir accès à ces documents en introduisant un recours en annulation auprès du Conseil d'Etat, il ne pourrait lui être fait grief de ne pas avoir utilisé ce détour procédural, préalablement à l'introduction d'une éventuelle demande d'indemnisation devant les juridictions judiciaires.

CONCLUSIONS
La Commission est d'avis que:\\
1. L'Administration est tenue de laisser consulter le dossier administratif relatif à l'attribution du marché portant sur la réparation des dégâts causés accidentellement et par vandalisme aux espaces verts gérés par la Région de Bruxelles-Capitale, étant entendu toutefois que:\\
a. Les pièces dont la confidentialité totale est dûment justifiée au regard de l'article 10, § 1er, 7°, de l'ordonnance peuvent être soustraites à cette consultation;
b. Les pièces dont la confidentialité partielle est dûment justifiée au regard de l'article 10, § 1er, 7°, de l'ordonnance ne peuvent être soustraites que partiellement à la consultation.

13
2. L'administration est tenue de délivrer une copie intégrale de la décision motivée d'attribution du marché.

3. L'administration est tenue de délivrer une copie intégrale du rapport d'adjudication, si celui-ci fait partie intégrante de la décision d'attribution, et une copie expurgée des informations éventuellement couvertes par la confidentialité en application de l'article 10, § 1er, 7° de l'ordonnance, si celui-ci ne fait pas partie intégrante de la décision d'attribution.

La Commission a formulé cette décision en sa séance du 21 octobre 2010, sur rapport de Mme Willemart. Etaient présents MM. M. Leroy, président, G. Demeulemeester, Mmes E. Willemart, V. Goret et Mme L. Therry, secrétaire.

La secrétaire,
Le président,
L. Therry
M. Leroy
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