Outils pour utilisateurs

Outils du site


transparencia:cadas:abelbrucada:2011-03-11_abelbrucada_avis-050-11:start

Avis 050-11

Transposition

Commission d'accès aux documents administratifs de la Région de Bruxelles-Capitale
Avis
1.   LES FAITS
1. La société QU1NTELIER FRERES S.A. a déposé une offre dans le cadre d'un marché public, qualifié de marché de travaux, passé par adjudication publique, portant sur la réparation des dégâts causés accidentellement et par vandalisme aux espaces verts gérés par la Région de Bruxelles-Capitale.

L'offre de la demanderesse n'a pas été retenue, en raison d'un prix anormalement bas.

2. Le 9 août 2010, la demanderesse - par l'intermédiaire de son conseil - a adressé à l'Administration une demande de consultation de l'ensemble du dossier administratif relatif audit marché public, sur la base des articles 8 et suivants de l'ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l'administration. Elle a, plus particulièrement, demandé de pouvoir disposer d'une copie du « rapport intégral d'adjudication du marché » et de « la décision motivée d'attribution de celui-ci », ainsi que des « éventuelles demandes de justification faites au soumissionnaire ayant obtenu le marché, et ce sur la base de l'article 110 de l'arrêté royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions de travaux publics et les réponses apportées par ce soumissionnaire à ces éventuelles demandes de justification et ce, -s'il y a lieu, au vu des exceptions au principe constitutionnel relatif à la publicité des documents administratifs et donc de manière dûment motivée - après que les informations confidentielles des réponses apportées auront été rendues illisibles ».

3. Le 20 août 2010, l'Administration a opposé un refus à cette demande, en ces termes :\\
« [...] Nous vous rappelons que l'information des participants à un marché public est organisée par la législation sur les marchés publics. A l'égard d'un soumissionnaire évincé, il y a lieu d'appliquer cette législation spécifique et non l'ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l'administration.

Ayant transmis à la firme Quintelier Frères S.A. copie de la décision d'éviction prise à son encontre, le pouvoir adjudicateur a rempli à son égard son obligation d'information. La réglementation ne prévoit pas la communication, à un soumissionnaire évincé, de la décision d'attribution. [...] w1
4. La demanderesse a introduit simultanément, le 29 septembre 2010, une demande de reconsidération auprès de l'Administration et une demande d'avis auprès de la Commission.

L'Administration a transmis ses observations à la Commission par un courrier du 13 octobre 2010.

Le 21 octobre 2010, la Commission a formulé l'avis selon lequel :\\
1 Annexe 2 à la demande.

1
« 1. L'Administration est tenue de laisser consulter le dossier administratif relatif à l'attribution du marché portant sur la réparation des dégâts causés accidentellement et par vandalisme aux espaces verts gérés par la Région de Bruxelles-Capitale, étant entendu toutefois que :\\
a. Les pièces dont la confidentialité totale est dûment justifiée au regard de l'article 10, § 1er, 7°, de l'ordonnance peuvent être soustraites à cette consultation ;
b. Les pièces dont la confidentialité partielle est dûment justifiée au regard de l'article 10, § 1er, 7°, de l'ordonnance ne peuvent être soustraites que partiellement à la consultation.

2. L'administration est tenue de délivrer une copie intégrale de la décision motivée d'attribution du marché.

3. L'administration est tenue de délivrer une copie intégrale du rapport d'adjudication, si celui-ci fait partie intégrante de la décision d'attribution, et une copie expurgée des informations éventuellement couvertes par la confidentialité en application de l'article 10, § 1er, 7° de l'ordonnance, si celui-ci ne fait pas partie intégrante de la décision d'attribution ».

5. Le 29 octobre 2010, l'Administration transmet une série de documents au conseil de la demanderesse et lui écrit ce qui suit :\\
« Conformément à l'avis rendu en séance du 21 octobre 2010 par la commission régionale d'accès aux documents administratifs, nous vous prions de trouver en annexe une copie de la note au Ministre (rapport d'adjudication), de la décision d'attribution du marché à l'adjudicataire Krinkels et de notre lettre du ... demandant à ce dernier de justifier certains prix.

Afin de pouvoir vous transmettre une copie de la réponse de la société Krinkels à cette demande, nous interrogeons celle-ci par courrier de ce jour, afin de savoir quels éléments de ce document doivent être considérés comme confidentiels.

Dès que nous disposerons de ces informations, nous vous enverrons la justification des prix, en masquant, s'il y a lieu, les éléments confidentiels ».

6. Le 18 novembre 2010, la société Krinkels répond à l'administration :\\
« [...] aile gegevens van onze prijsverantwoording d.d. 01/03/10[...] dienen beschouwd te worden als zakengeheïm en dus niet mogen overgemaakt worden aan de firme NV Quintenier Frères of op enige manier openbaar gemaakt worden ».

7. Le 22 novembre 2010, l'Administration écrit donc à la demanderesse que « la S.A. Krinkels [lui] a fait savoir qu'elle considérait que toutes les données contenues dans le courrier en question devaient être considérées comme secrets d'affaires et ne pouvaient être communiquées, de quelque manière que ce soît, à la S.A. Quïntelier Frères ». Elle conclut donc : « nous regrettons dès lors de ne pouvoir vous transmettre ce document ».

2
8. Le 10 février 2011, la demanderesse envoie une demande de reconsidération à l'Administration2 et lui demande de communiquer « en copie les réponses de la société Krinkels aux demandes de justification qui lui ont été adressées ».

A la même date, la demanderesse envoie une nouvelle demande d'avis à la Commission.

9. Le 22 février 2011, l'Administration répond à la demanderesse :\\
« [...] Vous trouverez ci-joint, la justification des prix envoyée par Krinkels, datée du 1er mars 2010, dont les mentions que l'administration estime confidentielles, ont été biffées par ses soins.

La publicité de l'administration est un principe fondamental qui a toujours été respecté par le Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale. Dans le cadre du présent dossier, l'administration a fait preuve d'une appréciation exhaustive de celui-ci en octoyant à la société Quintelier Frères S.A. tous les documents que la CADA proposait à savoir une copie intégrale de la décision d'attribution du marché ainsi qu'une copie intégrale du rapport d'adjudication.

Nous maintenons notre position suivant laquelle la justification des prix unitaires communiquées par l'adjudicataire à l'administration contiennent des informations d'entreprise confidentielles visées par l'article 10 § 1er, 7°. En effet, une justification de prix, comme tout document contenant des prix, est par essence un document " à caractère par nature confidentiel" comprenant "des informations d'entreprise ou de fabrication" qui ont été communiquées à l'autorité.

Nous regrettons que vous considériez le principe de transparence comme un concept variable, puisque l'application même de ce principe veut que l'administration interroge les soumissionnaires sur les parties de leur offre ou compléments de celle-ci qu'ils considèrent comme confidentielles.

Nous considérons ainsi l'ensemble des notes concernant les prix, les heures et méthodes de travail de vos concurrents comme étant confidentiels. Il ne revient en aucun cas à l'administration de vous renseigner sur les prix ou les techniques de travail de vos concurrents. En vous octroyant, une copie intégrale des justifications des prix unitaires envoyées par votre concurrent nous ne respecterions pas la loi sur les marchés publics, le principe de concurrence loyale et de transparence.

L'article llbis, § 3, dispose ainsi que "Certains renseignements peuvent ne pas être communiqués lorsque leur divulgation ferait obstacle à une loi, serait contraire à l'intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d'entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre entreprises ". Conformément à cet article, nous estimons que la divulgation de l'entièreté des justifications des prix serait contraire à l'intérêt public, en ce qu'elle porterait préjudice aux intérêts commerciaux de votre concurrent et pourrait fortement nuire à la concurrence loyale entre les entreprises.

2 Annexe n° 10.

3
De plus, comme indiqué dans notre courrier du 16 août, biffer les informations confidentielles, c'est-à-dire relative aux prix, aux heures et méthodes de travail, altère gravement le sens des justifications de prix, au point de rendre leur compréhension impossible. Dans ces conditions, il nous paraissait justifié de refuser la communication de ce document tronqué.

Toutefois, dans un souci de transparence mais dans le respect du principe de concurrence et de confidentialité, vous trouverez, en annexe au présent courrier, la justification des prix de Krinkels sur laquelle les informations confidentielles ont été soustraites. [...] »
2. L'OBJET DE LA DEMANDE
La société QUINTEL1ER FRERES S.A. - par l'intermédiaire de son conseil - sollicite l'avis de la Commission «quant au caractère confidentiel allégué de l'entièreté des réponses de la société KRINKEL5 aux demandes de justification qui lui ont été adressées ».

La demanderesse précise qu'elle estime que « la présente demande d'avis a un objet distinct de la demande d'avis dont a été saisie [la] Commission le 29 septembre 2010 et ayant donné lieu à l'avis du 21 octobre 2010 ». Selon elle, la première demande d'avis portait sur « le principe même du caractère public ou confidentiel du dossier administratif du marché public en question », tandis que la seconde demande d'avis porte sur « la question de savoir quels éléments précis des réponses de la société KRINKELS doivent être considérés, au regard de l'article 10, § 1er, 7°, de l'ordonnance du 30 mars 1995, comme confidentiels ». Elle indique qu' « il s'agit d'une question sur laquelle votre Commission, dans son avis rendu le 21 octobre 2010, avait expressément indiqué ne pas pouvoir alors se prononcer in concreto, n'ayant pu consulter le dossier administratif ».

3. LES ARGUMENTS DES PARTIES
A. En substance, la demanderesse considère que, pour refuser la communication des réponses de la société KRINKELS, sur la base de \'art\c\e 10, § 1er, T de l'Ordonnance du 30 mars 1995, l'Administration aurait dû :\\
- s'assurer elle-même, objectivement, du caractère « par nature confidentiel des informations d'entreprise ou de fabrication », sans abandonner cette appréciation à la société KRINKELS ;
- motiver spécialement in concreto les raisons pour lesquelles les réponses de la société KRINKELS étaient confidentielles et s'assurer qu'il n'était pas possible de considérer que certaines informations n'étaient pas confidentielles et que, partant, une communication partielle était possible ;
- à supposer que certaines informations contenues dans les réponses de la société KRINKELS fussent confidentielles, examiner si l'intérêt de la publicité des documents administratifs et de la possibilité dans le chef des candidats évincés de vérifier le respect de la réglementation des marchés publics, ne l'emportait pas sur l'intérêt de protéger la confidentialité de ces informations.

B. Après avoir rappelé sa position de principe, quant à l'accès aux documents administratifs dans le cadre d'une procédure d'attribution de marché public, exprimée à l'occasion de la première
4
demande d'avis, l'Administration indique qu'elle s'est conformée à l'avis de la Commission, en transmettant une copie intégrale de la décision motivée d'attribution et une copie intégrale du rapport d'adjudication. En revanche, elle estimait que la justification des prix de la société KRINKELS est un document comprenant des informations d'entreprise confidentielles visées par l'article 10, § 1er, 7° de l'Ordonnance du 30 mars 1995. L'Administration précise qu'elle était disposée à transmettre ce document, si la société KRINKELS estimait que le document ne devait pas être considéré comme confidentiel, ce qui n'a pas été le cas. L'Administration insiste sur le caractère confidentiel de l'ensemble des notes concernant les prix, heures et méthodes de travail. Elle précise qu'elle s'inquiète du but de la demande, en l'absence de tout recours au Conseil d'Etat. Enfin, l'Administration signale que « dans un souci de transparence exhaustive et afin de clôturer définitivement ce dossier, [elle a] communiqué, par courrier du 22 février 2011, la justification des prix de KRINKELS sur laquelle les informations confidentielles ont été soustraites ».

4.   EXAMEN DE LA DEMANDE
A. Quant à la recevabilité de la demande
L'article 20 de l'ordonnance du 30 mars 1995 dispose :\\
« Lorsque le demandeur rencontre des difficultés pour obtenir la consultation ou la correction d'un document administratif en vertu de la présente ordonnance, il peut adresser à l'autorité administrative régionale concernée une demande de reconsidération. Au même moment, il demande à la Commission d'émettre un avis.

La Commission communique son avis au demandeur et à l'autorité administrative régionale concernée dans les trente jours de la réception de la demande. En cas d'absence de communication dans le délai prescrit, l'avis est négligé.

L'autorité administrative régionale communique sa décision d'approbation ou de refus de la demande de reconsidération au demandeur dans un délai de quinze jours de la réception de l'avis ou de l'écoulement du délai dans lequel l'avis devrait être communiqué. En cas d'absence de communication dans le délai prescrit, l'autorité est réputée avoir rejeté la demande. »
Le demandeur rencontre de nouvelles difficultés pour obtenir la communication de l'un des documents à propos desquels la Commission a rendu un avis le 21 octobre 2010.

L'Administration fonde le refus d'accès à ce document précis sur d'autres motifs que ceux sur lesquels se fondait le refus d'accès au dossier dans son ensemble.

La demande d'avis s'inscrit dans le cadre de ces nouvelles difficultés et repose, par conséquent, sur une argumentation distincte de la première.

La demande d'avis est recevabîe.

5
B. Quant au fond
1. L'exception invoquée par l'Administration, pour refuser l'accès au document dont la communication est sollicitée, se lit comme suit :\\
« § 1er. L'autorité administrative régionale ou non régionale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif, si elle constate que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'un des intérêts suivants :\\
[...] T le caractère par nature confidentiel des informations d'entreprise ou de fabrication communiquées à l'autorité; [...] »
2. Dans l'avis donné le 29 octobre 2010, la Commission indiquait, en ce qui concerne les documents autres que la décision d'attribution et le rapport d'analyse des offres :\\
« En principe, l'Administration doit également communiquer les autres documents administratifs du dossier relatif au marché en cause.

La demanderesse a un intérêt certain à pouvoir apprécier la légalité de la décision d'écarter son offre et de la décision d'attribuer le marché à l'adjudicataire, ce qui, en l'espèce, suppose d'avoir accès non seulement aux motifs pour lesquels le pouvoir adjudicateur a considéré que son prix était "anormal", mais également aux motifs pour lesquels le pouvoir adjudicateur a considéré que le prix de l'adjudicataire était " normal". A cet égard, les éventuelles demandes de justification ainsi que les réponses apportées par l'adjudicataire paraissent déterminantes.

Toutefois, en ce qui concerne les documents autres que la décision motivée d'attribution du marché, l'Administration pourrait justifier de ne pas communiquer certaines pièces, sur la base de l'exception consacrée à l'article 10, § 1er, 7° de l'ordonnance. La Commission n'ayant pas eu accès au dossier, elle n'est pas en mesure de donner un avis plus précis à cet égard.

Par ailleurs, dans la mesure du possible, îl sera fait application de l'article 11 de l'ordonnance, selon lequel " lorsque, en application de l'article 10, §§ 1er à 3, un document administratif ne doit ou ne peut être soustrait que partiellement à la publicité, la consultation, l'explication ou la communication sous forme de copie est limitée à la partie restante ".

Il est à noter que la demanderesse elle-même suggérait que les demandes de justifications de prix et les réponses apportées par l'adjudicataire soient communiquées "après que les informations confidentielles des réponses apportées auront été rendues illisibles " ».

3. H est généralement admis que le détail des prix remis par les soumissionnaires à un marché public est couvert par la confidentialité. Une appréciation différente peut toutefois être posée, dans certains cas, notamment en fonction des secteurs d'activité et en fonction des déclarations des soumissionnaires eux-mêmes, lors de la remise de leur offre ou ultérieurement.

6
En l'occurrence, l'Administration pouvait raisonnablement considérer qu'elle était tenue de protéger la confidentialité des réponses apportées par la S.A. KRINKELS, suite à la demande de justification de la normalité de certains prix.

La demanderesse elle-même semblait d'ailleurs admettre que certains éléments des réponses fournies par la S.A. KRINKELS soient couverts par la confidentialité, puisqu'elle suggérait de rendre illisibles « les informations confidentielles des réponses apportées ».

4. Cette appréciation n'empêchait pas l'Administration de s'informer, auprès du soumissionnaire concerné, de son accord éventuel à ce que soient communiqués certains éléments des réponses apportées dans le cadre de la vérification de la normalité des prix.

En l'occurrence, la S.A. KRINKELS n'a pas accepté de lever la confidentialité de ses réponses. L'Administration ne pouvait dès lors considérer qu'elle était déliée de l'obligation de préserver la confidentialité des prix de la 5.A. KRINKELS.

5. Dans une telle situation, l'équilibre entre l'intérêt de la publicité et la protection de la confidentialité des prix du soumissionnaire interrogé par l'Administration est atteint, si l'Administration communique les réponses du soumissionnaire interrogé sur la normalité de ses prix, après avoir toutefois rendu illisibles les éléments confidentiels de ces réponses.

6. La Commission d'accès aux documents administratifs n'est pas compétente pour se prononcer, comme l'y invite la demanderesse, sur la qualité de la motivation formelle de la décision de l'Administration.

CONCLUSION
La Commission est d'avis que l'Administration devait communiquer à la demanderesse les réponses de la S.A. KRINKELS, après en avoir toutefois rendu illisibles les éléments confidentiels.

En l'espèce, l'Administration a effectué une telle communication, suite à la demande de reconsîdération simultanée à la demande d'avis.

Avis donné par la commission d'accès aux documents administratifs de la Région de Bruxelles-Capitale le 17 mars 2011, sur rapport de Mme E. WILLEMRT, où étaient présents : M. Michel Leroy, président, Mme V. Goret, M. Fr. Gosselin, Mme E. Willemart, membres, et M. M. Boland, secrétaire adjoint.

Michel Boland
Le secrétaire,
7
transparencia/cadas/abelbrucada/2011-03-11_abelbrucada_avis-050-11/start.txt · Dernière modification : 2017/10/20 02:14 de 90.86.158.26